Cela devait bien arriver une fois, que je ressorte déçu d'un film des frères Dardenne. J'ai adoré tous les autres films que j'ai vu d'eux, mais celui-là, je le trouve redondant, moins inspiré, moins beau, moins percutant...
En fait c'est très classique pour du cinéma des frères Dardenne, on a quelqu'un qui fait une connerie, qui a du mal à la réaliser et ça se termine dans une sorte de pardon qui efface les fautes (j'adore l'enfant ou Rosetta pour ça justement).
Sauf que là, ça fonctionne difficilement. Disons que l'émotion ne passe pas chez moi, enfin elle passe, mais beaucoup moins que dans tous leurs autres films.
On suit donc l'histoire de Ahmed jeune ado sans problème particulier jusqu'à qu'il fréquente une mosquée rigoriste. Et déjà j'ai trouvé ça intéressant parce que l'on voit le discours de l'imam, à insulter les mécréants, les apostats, etc, mais qui dit ne pas appeler à tuer, même si les apostats mériteraient. On sent le double discours, mais surtout comment ce genre de propos peuvent influencer un gamin et le pousser à passer à l'acte. Parce qu'on a deux discours contradictoires qui sont formulés par la même personne et clairement dire de ne pas passer à l'acte est en désaccord avec tout le reste du propos.
Forcément à 13 ans on est influençable et est perdu, on croit bien faire...
L'autre partie que j'ai trouvée intéressante c'est sur la crainte de voir les traditions disparaître. Les musulmans présents en Belgique du film veulent que leur enfant apprenne, comme eux, l'arabe avec le Coran et croient que c'est la seule bonne façon d'apprendre le Coran. Ils voient dans le fait d'apprendre l'arabe avec autre chose, des chansons notamment, une perte de leur tradition et un renoncement vis à vis de leur religion. C'est réaliste et intéressant comme discours. On voit bien que les choses ne sont pas simples et que proposer quelque chose d'un tout petit peu nouveau peut causer de lourds dommages dans une communauté qui se sent en péril vis à vis de ses traditions.
Le film ne juge pas nécessairement, on comprend bien que les frères Dardenne sont du côté de l'enseignante laïque, qui veut aider les élèves à parler un bon arabe qui leur permettra de dialoguer, de trouver du travail, de lire autre chose que le Coran, etc. Mais il n'y a pas réellement de condamnation de l'autre point de vue.
Tout ça j'ai trouvé ça très bien, même si à mon avis le film oublie un aspect principal, comment ça se fait qu'ils en arrivent à se poser tellement de questions ? sans doute à cause d'un entre-soi. Sans entre-soi la question ne se pose pas et ils vivraient à la belge comme tous les belges... avec des moules, des frites et de la bière.
Par contre la seconde partie du film, notamment la partie à la ferme avec la jeune blonde, je la trouve moins réussie. Moins réussie car c'est elle qui aurait dû éblouir le film. L'actrice est super, elle rayonne, là où Ahmed est tout renfermé sur lui... et là les dialogues ou même ce qui est montré je trouve ça trop rapide, trop facile... Je veux dire Ahmed doit se réinsérer dans la société, oublier un peu sa religion, arrêter sa radicalisation... et quoi de mieux pour ça qu'une jolie fille ? Et la relation fonctionne, mais pas aussi bien qu'elle aurait dû car les dialogues sont pas terribles. La fille qui demande à l'embrasser alors que son père est à côté, ça ne le fait pas... surtout pas à 13 ans... reste malgré tout un ou deux moments d'allégresse, mais ça aurait pu être mieux...
Quant au final j'avoue que j'ai du mal à y croire, j'aurais aimé que ça soit plus fort, plus impactant... Cette rédemption, ce pardon, c'était trop timoré, durant tout le film on a été dans la retenue au niveau des émotions, ça aurait dû éclater.
Après reste le prix de la mise en scène à Cannes et j'avoue que je ne comprends pas forcément. C'est très classique encore une fois pour les frères Dardenne. Ils avaient, avec le Silence de Lorna, commencé à renouveler leur mise en scène et j'ai l'impression qu'il ont fait là un retour en arrière où on retrouve la caméra branlante qui suit les personnages.
Bref, j'ai l'impression que ce coup ci, la formule Dardenne n'a pas opéré, en tous cas sur moi.