Film plutôt méconnu de la filmographie de Mike NICHOLS, dont la carrière jusqu'ici ne souffre d'aucun faux pas, Qui a peur de Virginia Woolf ? (1966), Le Lauréat (1967), deux monuments de ce qu'on appelait pas encore le nouvel Hollywood, le mésestimé Catch-22 (1969) qui dans son désir de moquer l'armée américaine n'a rien à envier à l'insolent et palmé M.A.S.H (1970) et enfin sans doute mon film préféré de loup garou, Wolf (1994). Le jour du dauphin n'en constitue pas moins un autre film passionnant et la source de réflexions profondes sur les thèmes qu'il aborde.
George C. SCOTT incarne Jake Terrell, scientifique isolé avec sa femme, quelques assistants et ses sujets d'étude, des dauphins au sein d'un complexe perdu dans l'archipel des Bahamas. Le but rapidement dévoilé de ces recherches est le langage inter espèce, plus précisément parvenir à apprendre le langage humain aux dauphins. De ce postulat qu'on pourrait volontiers associer à de la science fiction, Mike Nichols délivre une œuvre bien plus complexe qui entrecroise plusieurs genres, sans jamais complètement en préférer l'un à l'autre, en cela son ouverture est symptomatique dans sa façon de ne pas trancher. Mélodrame qui interroge sur la capacité à communiquer des individus afin de se trouver dans une société qui fait corps, thème qui me semble-t-il traverse toute la filmographie de Nichols, fable spéciste avant que le terme n'existe qui tend à démontrer que la frontière entre les espèces n'est sans doute pas aussi hermétique qu'on a pu longtemps le laisser croire, constituant en cela un regard avant-gardiste qui surprend par sa pertinence. Enfin dans un second temps, qui hélas ne parvient jamais à se hisser au niveau d'incandescence et de grâce qui habitent la première partie du film, le film se mue en un film de complot politique qui sans être rébarbatif, le scénario aidant beaucoup, n'apparait aujourd'hui que comme la conséquence d'une paranoïa typique des années 70, qui infusera dans beaucoup de films de cette époque, une paranoïa liée majoritairement aux politiques externes vis à vis du bloc communiste, je ne vais pas ici vous redire de quoi il en retourne, on ne le sait que trop, bien qu'ici ce ne soit pas tant l'ennemi historique mais l'ennemi de l'intérieur qui alimente cette angoisse existentielle qui innerve la société américaine et à travers elle son industrie du spectacle.
Si parfois le film peut faire montre d'une forme de candeur, d'innocence presque adolescente, qui peuvent tour à tour émouvoir ou agacer, le travail sur la photographie et le sens du cadre alliés à la partition sublime de Georges DELERUE rendent ce film bancal à bien des endroits absolument bouleversant et l'on pardonnera dès lors quelques maladresses finalement inconséquentes et qui ne doivent pas vous empêcher de découvrir ce film singulier.