L'Amérique des années 1950 face à ses peurs...
Il y a deux types de science-fiction : celle qui déroule des histoires épiques, souvent sans grand intérêt, dans un univers futuriste (le space opera) et celle qui utilise une hypothèse de départ pour en tirer des conséquences et nous renvoyer à nous-mêmes. Ce film est un excellent reflet de l'Amérique des années 1950 et de ses peurs. C'est en effet à cette époque que les premières psychoses liées aux OVNI, initiées notamment par l'affaire "Guerre des mondes" d'Orson Welles, se développent.
Un astronef débarque à Washington, demande à voir les principaux chefs d'Etat. On lui fait comprendre qu'il est légèrement utopiste dans le contexte de la guerre froide. Comme on tente de le détenir, il s'évade, se cache au sein d'une pension de famille et tente de réunir un aréopage de scientifiques de tous les pays.
Si vous venez pour les effets spéciaux, passez votre chemin : l'astronef, passe encore, mais le robot est particulièrement minable (un mec en combinaison de caoutchoux vernissée, avec des astuces miteuses pour faire croire qu'il fait 2, 50 m de haut). Et de manière générale, peu de violence. Peu de moyens, aussi. Klatu, l'extra-terrestre, est un humanoïde tout à fait lambda, il n'a même pas les oreilles en pointe de Spock. Son personnage a cependant des similitudes avec ce dernier : défiance imperturbable envers toute passion ou toute violence, foi presque coupable dans la seule raison. La Bande Originale est en revanche une sorte de paradigme de musique de films d'horreurs des années 1950 : orgue et scie musicale agaçante. ça devait fiche une trouille monstre, à l'époque. J'ai trouvé les acteurs principaux assez bons, en revanche beaucoup de seconds rôles sont vraiment mauvais.
L'histoire ? Elle n'est pas parfaite. L'extra-terrestre a une mission somme toute assez vague, et il est plutôt mal préparé : il vient prévenir la Terre que si elle se lance bientôt dans la conquête spatiale, elle a intérêt à se montrer moins agressive que les Terriens ne le font entr eux. C'est fichtrement idéaliste. Et puis le système qu'il propose à la fin pour arriver à la non-violence est une autre version de l'équilibre de la Terreur (qui était encore tout neuf : 1949 pour la bombe russe). Enfin, les rebondissements de l'action sont un peu prévisibles.
Il n'empêche : ce film a une vraie force, qu'il tire des choix du réalisateur.
1 - Wise montre l'armée américaine se targuer de forces jeeps, tanks, etc... A une époque où les films qui refaisaient la seconde guerre mondiale en mode simplet, c'était culotté de l'intégrer dans un scénario qui montre que cette débauche de moyen est une énorme perte d'énergie.
2 - La plus grande force du film, et ce qu'on en a à juste titre retenu en général, ce sont ses saisissants plans de foule : des Américains ordinaires montrent du doigt une soucoupe ; ils paniquent ; ils ne comprennent pas pourquoi l'électricité de marche plus, etc... Le principal héros du film, c'est l'Amérique des années 50, avec ses défauts, plus apparents que ses qualités. Les derniers plans, silencieux, qui passent en revue les différents envoyés du monde, sont parfaitement efficaces pour le message.
3 - Il s'agit tout de même d'une dénonciation de la guerre froide ! Il fallait des tripes pour désigner l'opposition des Etats-Unis et de l'URSS, à l'époque de la guerre de Corée, comme des petites chamailleries sans intérêt au regard de l'univers.
Pas un chef d'oeuvre au niveau formel, ni même au niveau des idées, mais un film qui capte fichtrement bien l'esprit de son époque et qui était assez osé.