Guillermo Del Toro nous offre un film qui fait plus qu'écho à son Echine du diable réalisé 5 ans avant ce conte fantastique.
Second volet de son dityque sur l'Espagne en guerre, le réalisateur ancre un monde sombre et fabuleux dans la réalité historique d'un pays dont il se sent proche culturellement en plaçant l'Histoire à hauteur d'enfant et l'enfance au cœur de l'Histoire.
Revenons en au film à proprement parler.
Le réalisateur se la joue virtuose de la caméra en montant des mouvements de caméras exceptionnels et en jouant sur le double sens esthétique et politique de son univers.
Dans l'immédiat après-guerre, en 1944, une petite fille se voit obligée de reconstruire une famille avec sa mère et son nouveau mari, un militaire autoritaire et un petit frère à venir.
Usant le prétexte du monde des contes de fées pour donner corps à la cruauté et à l'égoïsme de l'être humain. En rapprochant ces deux mondes (l'Histoire et les histoires) qui a priori n'ont pas grand chose à voir, Guillermo se lance un défi fou.
En effet si dans l'optique du volet historique la Vérité doit être présente à chaque mot, à chaque phrase, chaque image. Dans l'aspect conte, au contraire, tout doit être fait pour éloigner le spectateur de cette réalité.
Comment concilier les deux et éviter l’écueil du manichéisme ?
L'essence du conte étant de parler à l'enfant et donc de ne pas faire dans la nuance, le risque était grand.
En choisissant des personnages plus humains pour faire face au monstre Vidal, Del Toro impose cette nuance nécessaire au monde réel. Ce sont les femmes du film qui apporte cette nuance, cette humanité et font toute la qualité du film et la profondeur de l'histoire.
La mère d'Ofélia d'abord : fragile et enceinte, elle cherche à préserver son nouveau foyer. Mais il s'agit surtout de Mercédès, l'admirable Maribel Verdù, cette femme engagée, forte et généreuse qui supporte les maquisards sans compter. Les symboles de la féminité sont d'ailleurs clairsemés dans le film pour porter l'attention sur la peur de la fillette de devenir femme et ce qui va avec : l'enfantement, la soumission...
Dans la partie "conte" de l'oeuvre, l'ambivalence n'est pas non plus inexistante. Paradisiaque et enchanteur cet univers devient vite effrayant et cruel.
Il crée un parallèle entre Vidal et Ofélia, entre la cruauté de l'un et les épreuves subies par l'autre.
Ici, le diable de l'Echine a déserté pour mieux se faire homme et le thème de ce labyrinthe est la désobéissance civique, le combat des gens de bien contre l'autorité défaillante et monstrueuse.