Dans un style particulièrement éloigné du cyberpunk de ses débuts (citons Burst City de 1982), Ishii semble s'assagir pour s'installer dans la campagne japonaise des années 30 et nous proposer en noir et blanc le plus énigmatique et poétique film de tueur en série qui soit.
Sur la base d'informations tirées d'une correspondance épistolaire - nous ramenant à la nouvelle de Yumeno dont ce Labyrinthe des Rêves est l'adaptation - entretenue avec son amie Tsuyako décédée peu de temps avant dans un étrange accident, Tomiko, une jeune contrôleuse de bus, va soupçonner Niitaka, le nouveau chauffeur engagé par sa compagnie, d'être le fameux tueur de femmes dont parle une persistante rumeur. Réalité ou légende urbaine ? Perturbée par la question, Tomiko va pourtant peu à peu tomber sous le charme de ce nouvel équipier. Ainsi commencera dans la chaleur et l'humidité une intrigante relation faite d'attirance, de méfiance et d'un goût romantique pour le danger. Car malgré une lenteur confinant parfois au statisme et un penchant pour les silences impénétrables, Ishii met surtout en scène deux personnages semblant chercher en eux le moyen d'exister enfin un peu plus vite, un peu plus fort. De leur rapprochement ou de leur confrontation naîtra indiciblement ce besoin de se mesurer au risque de mourir pour sans doute mieux se sentir en vie. Cette opposition aussi basique que tacite prendra la forme d'un jeu dangereux, de la recherche du drame. Niitaka et sa présence fantomatique paraît déjà prêt à s'y perdre entièrement quand Tomiko se montre avant tout fascinée par l'aura des romances fatales. Comme deux papillons pris au piège dans un vase trop étroit, Niitaka et Tomiko se cognent contre les parois d'une existence insuffisante, à rendre plus grande, plus intense ; quitte à la briser, à se briser.
Alors Ishii, toujours punk dans l'âme ? Probablement même si la forme ici choisie ne le laisserait jamais penser. Au pied des montagnes et dans le calme des forêts, loin de route expression nette d'agressivité, le Japonais évolue avec Le Labyrinthe des Rêves, comme ce titre le suggère fortement, dans l'éther, dans un monde imperceptiblement menaçant servi par l'attente et la saisie de ces instants arrêtés pouvant faire craindre ou espérer qu'à tout moment, tout peut toujours casser, basculer. Ishii nous offre un film-fantasme embué d'absences ou guidé par une tension impassible, un film trouble au regard tourné vers l'ailleurs des songeurs taciturnes.