"Si vous pensez encore qu'il s'agit de savoir qui est coupable ou qui ne l'est pas, c'est que vous n'avez rien compris" Piqué, le procureur général, à son jeune apprenti le procureur Alexander Fehling. Les deux étant à l'origine du procès Auschwitz dans les années 60, qui a épinglé plusieurs dizaines de SS dans une Allemagne à peine remise du choc de la Seconde Guerre Mondiale.
Dans ce film, très réussi historiquement, tant dans sa démonstration de la nécessité du travail de mémoire (jamais, je pense, a-t-on aussi bien mis en image ce que ce devoir implique), que dans sa précision factuelle; nous sommes constamment tiraillés par les nombreux questionnements moraux que soulèvent la Shoah. Bien entendu, la première question qui nous vient à l'esprit: comment juger ceux qui prétendent avoir seulement "obéi" aux ordres, en perpétrant des massacres? Mais Le Labyrinthe du Silence ne s'arrête pas là; et c'est là sa première force.
Le film évoque également la question de la nationalité et du sens de la patrie, au regard d'intérêts universels, comme ceux de la Shoah. Doit-on rester patriote, quitte à ne pas reconnaître certains faits néfastes à la défense des droits de l'homme? Est-on un lâche ou un traître si on se pose avant tout en défenseur de l'humanité? A cet égard, que vaut l'appartenance à une communauté comme la patrie? Y a-t-il encore un sens à cela, n'appartient-on pas avant tout à la communauté humaine?
Plus loin encore: l'enjeu est-il d'éclaircir la culpabilité ou l'innocence de ces gens? Ou tout simplement d'établir la VERITE historique. Et bien entendu s'en suit toute une réflexion sur l'importance de la vérité historique dans la reconstruction d'un peuple, d'une communauté.
Toutes ces questions n'ont pas été exposées scolairement, comme dans une leçon d'histoire: Giulio Riccareli n'est jamais tombé dans le piège de du cinéma historiographique.
Certes la réalisation est peut-être un poil trop académique et pas assez audacieuse. La fin confère à l'ensemble une linéarité qui pourrait ressembler à de l'exposition de faits. Mais il suffit de se rappeler jusqu'à quel point ce film nous a fait réfléchir auparavant(ce qui signifie qu'il a été beaucoup plus dans l'évocation que dans l'exposition) notamment grâce à sa mise en scène épurée de toute fioriture (ce qui garde le spectateur au plus près du fait historique) et à sa dramaturgie finalement limitée.
Je pense que je n'ai jamais été aussi profondément immergé dans un film historique. Sous ses apparats de banale exposition historique, Le Labyrinthe du Silence est en réalité un bel objet cinématographique.