Trois personnes, un couple, deux insatisfaits.

Je connais très peu (et donc très mal) Satyajit Ray mais en l'espace de quelques films il se dessine néanmoins un portrait assez net : j'apprécie beaucoup le classicisme de sa mise en scène, son sens délicat du mélodrame, et la sobriété des sentiments qu'il décrit. Un classicisme formel au sens non-péjoratif du terme, qui sied particulièrement aux années 50-60 en noir et blanc et beaucoup moins à la couleur des années 90 — pour l'instant. J'y vois en quelque sorte (pardon pour le parallèle sans doute pas très justifié) un Ozu ou un Mankiewicz indien, touchant à une forme d'universalité. La dimension mélancolique de ses films passe à travers l'évocation d'un passé en flashbacks très bien équilibrés qui donne tout l'intérêt à cette histoire de sérénade à trois. Où l'on apprend qu'il n'y a peut-être pas qu'une seule personne lâche dans le triangle...


C'est la simplicité qui prédomine dans l'histoire de ce scénariste égaré dans une région isolée, en panne, hébergé par un inconnu qui se trouvera être, par le plus grand des hasards, le mari d'un ancien amour en la personne de la très belle Karuna. D'anciens amants dont la nouvelle rencontre ravivera quelques souvenirs, en l'espace de trois retours vers le passé. D'abord, leur rencontre dans le bus, pleine de pudeur et de timidité, quand il lui avait payé un ticket de bus pour lui éviter des ennuis. Ensuite, leur premier rendez-vous, où il avait prétexté savoir lire les lignes de la main. Enfin, leur séparation, quand il n'avait pas eu le courage (c'est présenté ainsi) de la marier sur le champ. Ces trois moments ne sont pas évoqués dans l'ordre chronologique, et leur amorce est souvent marquante — cette séquence dans la voiture du mari, avec le regard posé sur la nuque voilée de Karuna, reste sur la rétine.


Tout le film est basé sur une forme très évasive de description, avec beaucoup d'incertitudes, beaucoup de mystères. Des zones d'ombres savamment entretenues, révélées par petits morceaux, avec une délicatesse constante. Une délicatesse qui semble caractéristique de son cinéma, même si c'est pour s'intéresser aux faiblesses des uns et à l'indécision des autres. Les retrouvailles des deux amants, sous le nez du mari (ronfleur et bon vivant) aveugle à ce qui se joue, met en lumière les deux insatisfactions croisées des deux protagonistes malheureux. Et lâches. Tout cela est développé au creux d'un minimalisme narratif allié à une composition extrêmement soignée, tous deux très efficaces.


http://je-mattarde.com/index.php?post/Le-Lache-de-Satyajit-Ray-1965

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le 10 avr. 2021

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Morrinson

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