Une nouvelle adaptation presque aussi bonne que la première

Il y a deux types de spectateur pour ce film. Trois dans l’absolu, mais celles et ceux qui ont put voir la pièce originale de Shaffer sont plus rares, alors restons dans le cinéma. Le premier type concerne ceux qui appréhenderont le film de Branagh sans avoir vu la précédente adaptation de la pièce. Le second type, ceux qui l’ont vu. Les uns et les autres y poseront un regard différent


Le spectateur innocent tout d’abord, y verra un film extrêmement bien ficelé aux prises de vues originales (cadrages et gros plans à gogo, personnages filmés de dos ou coupés, vues des écrans de contrôle etc.) et aux acteurs époustouflants.
Michael Caine et Jude Law sont, il faut bien l’admettre, deux acteurs qui ont fait leurs preuves et les voir s’affronter ainsi dans ce huis clôt est un vrai délice. Caine est absolument génial en esprit dérangé aux allures d’homme propre sur lui oscillant entre haine et jubilation. Law quant à lui, nous campe un jeune amant bien décider à conserver ou à conquérir ses rêves et qui, face à des circonstances exceptionnelles, fait preuve de grandes qualités d’adaptation, pour le meilleurs et pour le pire.
Le machiavélisme atteint ici des niveaux assez élevé et très agréables à suivre. Honnêtement, je ne sais ce qui est dû à la pièce originale et ce qui est dû à cette adaptation, mais le scénarios est brillant et le spectateur, allant d’une surprise à l’autre, finit par ne plus vraiment savoir sur quel pied danser. Un film déstabilisant sur l’amour, l’excitation, l’honneur et les drames que tout ce beau monde peut impliquer. Presque de quoi vous donner envie de devenir ou de rester célibataire !
La mise en scène quant à elle, est parfaitement bien pensée. Branagh aime le théâtre comme il nous l’avait déjà démontré dans ses adaptations de Shakespeare, et le décors qu’il plante là est aussi surprenant venant de lui qu’efficace. La maison de Wyke, tout en jeux de lumière, en angles et en matériaux bruts ajoutent à l’ambiance du film ce côté froid et oppressant du mari cocu. Tout est dans la mise en scène, comme pour le personnage de Caine. La musique de Doyle, discrète, ne se laisse entendre qu’aux moments parfaits et représente la cerise sur le gâteau.
Le seul détail qui pourrait à la rigueur faire tiquer le spectateur, est cette omniprésence des caméra de surveillance qui démasqueraient assurément Milo lors du passage de la police. Enfin, nul n’est parfait !


Le spectateur avertit quant à lui, appréciera également le jeu des acteurs, la musique, le renouvellement des décors de cette nouvelle version, mais quelque chose le fera tiquer. Quid des dénonciations du racisme présent dans la précédente adaptation ? Quid du conflit entre les classes sociales ? Quid du côté envoûtant de la première partie de l’histoire ? Une petite pointe de déception amènera peut être le bout de son nez. Car dans la version de 72, le mépris vis à vis de Wyke se laissait dessiner dès le départ. On le voyait clairement abreuver son rival de paroles dédaigneuses et d’alcool afin de l’étourdir et de le faire tomber dans son piège. Ici, Caine traite peut être ouvertement Law de con, mais les deux ne sont pas aussi séparé par leurs origines que dans le premier film. Le spectateur, perdant cette dimension géniale du premier film, se sentira peut être un peu floué. Il se dira qu’il ne s’agit que d’un remake aux décors renouvelés mais ayant perdu de son intérêt. C’est alors que le film signe son génie. Certes, il n’est plus question ici de racisme, de classes sociales, de savoir qui est le plus habitué à jouer et à combattre réellement pour son existence. Mais il est question de thèmes tout aussi indémodables : ce qu’un homme est prêt à accepter pour obtenir l’excitation et une vie stimulante.
On regrettera peut être un ou deux détails : le déguisement grotesque de policier dans la version de Mankiewicz paraît encore plus grotesque (vraiment dommage) car ici Wyke n'affiche pas aussi clairement son méprit pour les 'simples gens' et les détectives. De même, si l'on peut se dire que la chose vise à la déstabilisation, les paroles rapportées de l'épouse infidèle peuvent faire tiquer (du style : si Caine a eut sa femme au téléphone, pourquoi se laisse-t-il piéger ainsi par le pseudo détective ?). Mais cela reste de l'ordre du détail.


J’avoue avoir hésité avant de voir cette version du Limier. J’avais été éblouis par la version de 72 qui m’avait littéralement scotché et j’étais tiraillée entre deux sentiments : la peur d’être déçue par une nouvelle adaptation, même si elle était signé Brannagh, et l’excitation de voir ce que Caine pourrait donner dans l’autre rôle, affrontant Law qui, en regardant la première version, me semblait un choix idéal pour le rôle de Milo.
J’admet que je préférais la version de 72. Ses décors bordéliques reflétant l’esprit déranger de la maison, sa thématique du jeu, ses questions sociétales, tout était parfait.
Cependant, je dois admettre que Caine surpasse Olivier dans le rôle, et que Jude Law est au moins aussi bon que Caine dans le rôle du coiffeur (ou de l’acteur chauffeur ? On appréciera le petit côté Kafka du délire).
Je ne suis pas fan des décors. Ils sont efficaces, mais d’un point de vu purement subjectif, je préférais ceux de 72. Enfin, ils allaient avec une facette du personnage qui n’est à présent plus là et ils n’avaient plus lieux d’être.
La dernière partie du film quant à elle, m’a vraiment séduite. Alors que le film suit les grandes lignes scénaristiques que l’on connaît, il part dans tout autre chose et nous offre un final inédit malgré les indices semé au départ. Un changement très agréable et particulièrement stimulant qui ravivera le côté déstabilisant du film.


Au final donc, ma version préférée restera celle de 72, spécialement pour les questions sociétales qui y étaient abordées. Néanmoins, cette version de The Sleuth reste absolument géniale et nous montre deux acteurs absolument splendides dans un huis clôt qui se renouvelle parfaitement et tient le spectateur en haleine, qu’il connaisse déjà les grandes lignes de l’histoire ou non. Un petit chef d’oeuvre à voir absolument que vous ayez vu ou non sa précédente adaptation. Les fans de Mankiewicz devront toutefois s'attendre à de grosse différences dans le scénario et la mise en scène, et se préparé à des clins d'oeil qui peuvent déplaire.

Gaby_Aisthé
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le 21 nov. 2016

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Gaby Aisthé

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