Les courts et longs métrages mis à disposition par la plateforme Henri de la Cinémathèque française pendant le confinement auront eu le mérite de faire découvrir plus avant les studios Albatros, un bastion d'auteurs en grande partie émigrés russes dont les intentions se situaient du côté d'un certain renouveau cinématographique. Ivan Mosjoukine était à l'époque l'acteur français le plus célèbre dans le monde, et c'est le jeune Jean Epstein qui met en scène "Le Lion des Mogols" dans une œuvre de commande à caractère commercial (dixit l'histoire du cinéma).
Cette première contribution d'Epstein aux studios Albatros, qu se veut une métaphore de l'exil à travers la fuite d'un prince exotique (Mosjoukine dans un rôle à la Douglas Fairbanks du moins dans la première partie), est assez surprenante par son classicisme — au sens presque péjoratif. Les critiques officiels n'ont de cesse de le contextualiser en précisant que c'était pour Epstein l'occasion de faire ses armes et de parfaire sa technique, mais c'est quand même Abel Gance qui en parlera le mieux, en qualifiant le scénario d'idiot (entre autres choses, pour rester honnête, les deux hommes étant amis) — il a été écrit par Mosjoukine.
Le prologue se présente comme un moment éminemment caricatural, du grand spectacle en carton (aux sens propre et figuré), de l'exotisme de pacotille qui essaie de nous imposer Mosjoukine en prince charismatique et imposant... Avant d'évoluer brutalement vers sa fuite en bateau et sa vie de réfugié incognito à Paris. Il y fera la connaissance d'une star de cinéma et deviendra comédien à son tour, avant que son identité ne soit découverte par des personnages mal intentionnés. Les années folles à Paris peinent à émouvoir, d'une caricature à l'autre, avant un ultime retournement de situation qui fera le lien, de manière passablement artificielle, avec la première partie.