Je pensais vraiment que le film allait développer ce sur quoi il débutait, à savoir une sorte de mise en abyme de la figure d'Ivan Mosjoukine : on commence sur un prologue presque caricatural de cinéma à grand spectacle (décors, costumes, intrigue...), où Mosjoukine est tel un Douglas Fairbanks, charismatique, imposant ; c'est une figure irréelle, un pur personnage de fiction. Puis un coup du sort le force à se confronter à la "réalité", dans laquelle il n'y a plus ces décors et ces costumes. La rupture est saisissante ; c'est comme si Mosjoukine était brutalement expulsé hors de la caméra. Dès lors, les niveaux de lecture s'offrent presque d'eux-mêmes, ainsi que leur enchevêtrement : tel le "lion des Mogols", Mosjoukine est aussi un "personnage" haut en couleur qui a dû fuir son pays et rejoindre une patrie qu'il ne connaît pas et qui ne le connaît pas. La mise en abyme est quasiment toute donnée, il n'y avait presque aucun effort à faire. Or, curieusement, le film ne semble pas s'emparer de cette voie-là, et on se retrouve par conséquent avec simplement un film qui fait un honnête travail ; il y a certes quelques scènes où la mise en scène s'emballe (les fameuses scènes de bar et de voiture), mais ça ne va pas plus loin, et le reste demeure engoncé dans une banale histoire d'escroquerie, dont là encore le caractère allégorique n'est pas exploité (la "réalité" soumise à des intrigues bien plus viles et bien plus basses que les grands drames sanglants du cinéma à grand spectacle ; plus de trahison ou de hauts faits d'armes, mais simplement de tristes intérêts financiers à courte vue, et de vaines passions dérisoires). Bon, je concède que la fin vient un peu relever le tout : l'intrigue s'accélère, et pour le coup on a de vrais trouvailles de mise en scène, qui utilisent bien plus la scénographie et l'espace que l'image dans sa plasticité et sa forme (ce pour quoi Epstein est connu ; là, il est plus dramaturge qu'esthète).