Pourquoi Michel Gondry, le réalisateur derrière Eternal Sunshine of the Spotless Mind et La Science des Rêves, a-t-il disparu des salles obscures pendant 8 ans ? Son nouveau film, le semi-autobiographique Le Livre des Solutions, portrait comique et frénétique d’un cinéaste fuyant son propre film, ressemble à une tentative de réponse, un aperçu de l’esprit chaotique de son créateur, entre inventivité déchaînée, anxiété proche de la paranoïa et déprime profonde.
Personnage central mais aussi narrateur, Marc, le double de Gondry incarné par un Pierre Niney débridé, n’a de cesse de perdre son monde dans ses élucubrations farfelues, inventant sans arrêt de nouveaux subterfuges face aux problèmes de sa vie. Tout plutôt que de regarder son film, dont il a volé les rushes, dans l’idée d’en finir le montage dans les Cévennes, chez sa tante, avec une équipe réduite, auquel il fait d’infernales demandes à toute heure. Impossible de savoir avec cet insupportable procrastinateur si sa dernière épiphanie tient du génie ou non. Il n’y a d’autres options que de le suivre dans l’aventure ou de l’abandonner à ses tourments.
Célébrant et maudissant l’acte créatif, Le Livre des Solutions agace et réjouit dans son portrait du cinéaste, où l'autodérision se dispute à l’autoflagellation. Mais le réalisateur bricoleur met aussi le meilleur de lui-même dans ce dernier long-métrage drôle et anxieux : son imaginaire fantaisiste bien sûr (présent, avec parcimonie), son onirisme fait de papier mâché (à la fois cruel et enfantin), mais surtout sa tendresse, qui donne au film quelques-uns de ses plus beaux instants. Débordant d’affection pour ses collaboratrices et ses proches malmenés, Gondry signe ici une lettre d’excuse qui leur serait adressée, formulée de la seule manière qu’il connaît : en créant.
-Adrien Corbeel
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