L'ascension et la chute de Jordan Belfort à Wall Street, une vide de débauche menée à 100 à l'heure...
Tout dans ce nouvel opus du grand Scorsese, prouve encore une fois la maîtrise du cinéaste de l'utilisation de l'appareil cinématographique.
Pour faire court, passer de "Hugo Cabret", gentil mais formidable conte sur le cinéma, soigné mais sage, au "Loup de Wall Street", exact contraire, est un signe de la santé du cinéma de Scorsese qui sait jongler avec ses sujets.
"Le Loup de Wall Street" est un film complètement déjanté, un film d'une énergie hallucinante. Scorsese refait "Les Affranchis" et "Casino", à l'aide d'un Leonardo Di Caprio plus que parfait dans le rôle de ce loup affamé de sexe et d'argent. La caméra de Marty l'embrasse comme jamais, le fait passer sans prévenir de la sobriété pure à la folie furieuse dévastatrice. Durant 3h de cinéma démentiel, Scorsese multiplie les images, donne au film un souffle épique et crée une richesse thématique et visuelle ahurissante, comme si le cinéaste semblait aussi défoncé que ses héros. On y retrouve l'art de la diatribe et l'envie d'en découdre verbalement des personnages, comme si chaque acteur avait bouffé Joe Pesci avant de tourner. Le flot de paroles ininterrompu crée une puissance comique rare, donnant au film un aspect de screwball comedy permanent. La caméra de Scorsese alterne avec brio les scènes de champ contrechamp et les grands travellings, dans une euphorie communicatrice. Le sens de la narration du film est une fois de plus virtuose, incroyablement brillant dans sa propension à répéter les même effets de style installés en début de film durant trois heures sans que cela ne cause l'ennui. Trois heures épuisantes tant les images défilent, les situations changent vite et aucun répit n'est accordé au spectateur. A tel point que, quand arrive la chute du personnage principal, une certaine longueur se fait sentir. Ce que, durant 2h30 de comédie variable, on en avait oublié le Scorsese dramatique, concluant son film sur une note légèrement plus grave. Alors quand Jordan Belfort est enlevé à son piédestal, on sent une rupture de ton étrange, laissant apparaître une faille dans le rythme effréné du film. C'est bien là le seul défaut de ce délire de cinéma total, qui prouve, car il faut le répéter, que Scorsese est le seul rejeton du Nouvel Hollywood, avec Steven Spielberg, ayant abordé le 7ème art avec son temps et ayant fait évolué son cinéma au cours des années sans jamais trahir sa vision d'auteur... quand George Lucas se contenta du succès de "Star Wars" sans ne jamais tenter autre chose par la suite, quand De Palma se retrouva coincé dans ses effets de style, ou quand Coppola sembla avoir définitivement perdu l'envie de refaire "Apocalypse Now"... Il y a toujours de l'espoir.