Le Loup de Wall Street par mr. edward
Si celui-ci est le long-métrage le plus long de Martin Scorsese (179 minutes) et celui possédant le plus de fois le mot "fuck" (506), il n'est très certainement pas son meilleur film. Mais il n'en demeure pas moins excellent. C'est d'ailleurs l'exemple type du film qui ne peut pas faire l'unanimité mais qui, malgré les diverses polémiques qu'il entraine, jouit d'excellentes critiques. Toutefois, si je devais avoir une réserve, j'espère que Le Loup de Wall Street ne finira pas par souffrir pas du symptôme Scarface, c'est-à-dire, une mauvaise compréhension du récit et de sa morale. Jordan Belfort, tout comme Tony Montana, ne représente aucunement le rêve américain, mais plutôt une fausse idée du rêve américain. Cette mauvaise compréhension peut venir du fait que Martin Scorsese ne prend aucun parti pris. Il n'embellit pas le portrait de Jordan Belfort, ni ne l'accable, laissant au spectateur la liberté de se faire sa propre opinion sur le personnage.
C'est ainsi qu'est construit le film, une suite de scènes et de moments de vie qui ne sont jamais dans le jugement. Bien sur, certains moments semblent exagérés, mais après tout, nous n'avons que la vision de son personnage principal (auteur du roman qui a inspiré le scénario). Et à ceux qui diraient : "oui mais peut-être que cela ne s'est pas passé de cette manière, ce n'est pas forcément la réalité." Je ne puis leur répondre que ceci : une scène répond à cette question et sans la dévoiler, Jordan Belfort nous y raconte 2 versions d'une même histoire : celle qui pensait être la réalité et ce qui s'est réellement produit. A partir de ce moment-là, on ne peut s'empêcher de se dire : "qu'est-ce qui est la réalité finalement ?!". Aucune idée ! Nous sommes "obligés" de croire un menteur et c'est là l'une des intelligences de ce film, et plus précisément de son scénario. Nous avons en face de nous des êtres plus que détestables (Jordan et sa bande), accomplissant des actes immoraux et nous en rions, comme dans une banale comédie... sauf que nous ne devrions pas. D'accord les situations sont absurdes mais elles sont surtout très graves et lourdes de conséquences. Alors pourquoi utiliser cette manière, pour faire passer plus facilement la pilule ? C'est un parti pris de Marty, dont certains n'adhérons pas, encore moins du fait que le schéma principale du film est classique et semble répétitif, 3 heures semblent un peu long pour raconter une telle histoire.
Mais comme je le disais, Martin Scorsese ne juge jamais le personnage principal, Jordan Belfort, il n'est que dans la représentation de celui-ci. D'ailleurs, j'ai l'impression que J.B, dans son roman autobiographique, ne dresse pas un portrait mensonger de sa propre personne, il étale juste les faits. C'est une personne détestable et il le sait, ne s'en cachant pas. C'est un monstre de la finance, mais un monstre qui a été crée et non qui est née avec un tel fond. On lui a donné les armes et la manière d'agir comme en témoigne la scène mémorable du déjeuner entre Matthew McConaughey et Leonardo Di Caprio, et ensuite il a foncé avec l'intelligence qu'il avait et s'est entouré des bonnes personnes. C'est le mythe d'Icare. Plus il gravissait les échelons et plus sa mégalomanie s'accentuait, brûlant la chandelle par les deux bouts. Et qui de mieux que Leonardo Di Caprio, avec sa gueule d'ange, pour le jouer. Il est dantesque dans ce rôle et l'on voit à l'écran qu'il a pris un pied d'enfer à interpréter ce personnage. C'est d'ailleurs intéressant de voir le parallèle avec son autre rôle de multimillionaire qu'il tient dans le film Gatsby le Magnifique (même si les raisons de cette fortune diffèrent) sortie en mai 2013. Bien évidemment, si 22 mois de prison il y eu, vous vous doutez qu'une chute dans le peloton est arrivée. Et on le sent nostalgique de ce temps. Là je prend pour exemple la dernière scène du film où l'on voit clairement 2 mondes qui sont totalement opposés et déconnectés de la réalité de l'autre, les préoccupations n'étant pas les mêmes.
Si Leonardo Di Caprio livre une excellente prestation, teintée d'une folie incommensurable, le reste du casting n'est pas en reste. En effet, bien que le Loup de Wall Street nous conte l'histoire de Jordan Belfort et qu'il est quasiment présent dans chaque plan du film, il y a toute une meute derrière lui. Il serait rébarbatif de tous les énumérer et de décrire leur rôle, sachant que certains sont davantage mis en avant que d'autres. Ainsi je ne parlerais que de ceux qui m'ont le plus marqué. En premier lieu, le personnage de Matthew McConaughey, jouant le rôle de Mark Hanna qui peut être considéré comme celui qui fut le mentor de Jordan Belfort. Malgré le fait qu'il soit peu présent à l'écran, il marque le spectateur de par sa prestation et son charisme. C'est un plaisir de voir un tel acteur avec beaucoup de talent arrêter de tourner dans des comédies romantiques fades et sans saveurs, pour se concentrer dans des rôles et des films plus intéressants. Jonah Hill qui interprétant le rôle de Donnie Azoff, le "bras-droit" de Jordan Belfort, est magnifiquement pénible et insupportable. D'ailleurs lui aussi enchaîne les excellents projets depuis quelques années, on l'a notamment vu chez Tarantino dans Django Unchained. Margot Robbie (Naomie Belfort, la seconde femme de Jordan Belfort) pour son premier grand rôle, est très bonne et fait penser au personnage interprété par Sharon Stone dans Casino, sans que cela ne soit qu'une pâle copie. Malheureusement, elle a le malheur d'avoir une VF plus qu'affreuse et insupportable. Rob Reiner: Max Belfort, le père de Jordan, est très bon et assez drôle. Finissons par Jean Dujardin, tant celui-ci a fait parler de lui en France de par sa présence au sein du film. Il a malheureusement un rôle assez réduit, mais il est bon et fait le boulot. Le bon sens de Martin Scorsese a été de lui faire donner le rôle d'un banquier Suisse, Jean-Jacques Saurel et non un américain, ce qui donne des scènes assez drôles jouant sur le "décalage" et la barrière de la langue.
Au niveau de la mise en scène, celle-ci est excellente, ce qui est guère étonnant. On sent que Martin Scorsese s'est lâché, n'a pas été bridé et a fait le film qu'il voulait. Il y a d'ailleurs un côté Tarantinesque dans sa réalisation, on le constate au niveau de certaines scènes de dialogue où l'absurde et le côté "surréaliste" de certaines situations se mélangent. Le tout étant accentué par les prestations des acteurs. Et si la psychologie de certains personnages est assez sommaire (mais quand même bien traitée), on remarque une alchimie entre eux. Jordan Belfort et ses associés forment une bande de potes crédibles, pas juste créée pour le cinéma. Certes, l'amitié c'est bien et l'on sent qu'ils s'amusent, mais au dépend de qui ? Je pense que le "pire" est dans ce côté loufoque et c'est très certainement le but recherché par Martin Scorsese : nous faire rire de choses graves. Mais si l'on se pose 2 secondes, que l'on prend le recul nécessaire, c'est terriblement cruel et on sent bien qu'ils sont totalement déconnectés de la réalité. Mais Jordan Belfort a peut-être justement ce recul et au détour de quelques lignes de dialogue on le constate. C'est encore pire, car il a conscience du mal qu'il peut faire et des gens qu'il a pu ruiner. Finalement, au premier abord, le film fait terriblement superficiel mais quand on s'attarde un peu plus dessus, il se révèle bien plus profond.
Pour conclure, à mesure où j'ai écris cette critique, je me suis rendu compte de la "richesse" du film et qu'il est bien plus intéressant qu'il ne laisse supposer. Un très grand film de la part de Martin Scorsese, qui ne laissera personne indifférent. Que l'on aime ou que l'on déteste, le but étant aussi que l'on parle du Loup de Wall Street.