La finance vue par Scorsese. Bluffant et iconoclaste!
Le Loup de Wal Street, c'est avant tout un bouquin! Celui de Jordan Belfort, ancien courtier en Bourse, escroc, dépravé, drogué, et immensément riche par bon nombre de combines jugées illégales. Le livre est une incroyable plongée réaliste, mais surtout extrêmement caustique de ce milieu déjanté au milieu des années 90. Conçu comme un thriller, il a la force de nous proposer un univers des plus effrayants sous l'œil d'un véritable salopard, sans pour autant que nous ne portions de jugements vis-à-vis de son comportement, puisque totalement ancré et intégré au contexte de l'époque (les années folles de la Bourse). La nouvelle de l'adaptation par Martin Scorsese avait rapidement de quoi susciter l'excitation parmi bon nombre de spectateurs. Outre le fait qu'il s'agisse de la cinquième collaboration de Leonardo Dicaprio avec son réalisateur fétiche, c'est bel et bien l'oeil de Scorsese sur le monde de la finance, univers qu'il n'a encore jamais exploité jusque là, qui nous intéressait tous. Le résultat est à la hauteur des espérances : il s'agit bien selon moi du meilleur film de 2013. Tout simplement.
Commençons par le gros point fort du film : Scorsese lui-même! A près de 80 piges, le réalisateur a définitivement une pêche d'enfer! Quelle maîtrise de son sujet, quel dynamisme, quelle énergie! Ne se laissant jamais dépasser par son sujet, aussi imposant soit-il (la finance !), il a au contraire l’audace de le construire et d’adopter la même démarche narrative que ses plus grands chef d’œuvre, Les Affranchis et Casino en tête. Voix narrative, ascension-décadence-chute du héros principal, personnages secondaires plus farfelus que le personnage principal…Tout est là pour que Scorsese laisse librement exprimer son talent : l’histoire au service de la mise en scène. Et inutile de mentionner son caractère grandiose : Scorsese reste fidèle à lui-même en proposant des plans séquences d’une précision redoutable, alimentés par une BO des plus redoutables (le plan séquence final sur la musique de « Mrs Robinson » restera dans les annales). Il s’autorise même quelques excentricités des plus bienvenues, à travers des ralentis stylisés et une scène de naufrage de bateau d’une drôlerie confondante. Que ceux qui n’y voient qu’une accumulation de sketch et de scènes ultra vulgaire aux limites de la pornographie n’ont tout simplement rien compris au film. Il s’agit tout simplement d’un e tranche de vie d’un protagoniste incroyable, dont l’excentricité de ses actes est justement illustré et mis en œuvre par le dynamisme et l’excentricité de la réalisation.
Par ailleurs, la relation de Scorsese avec ses acteurs dépasse tout ce qui a été fait auparavant. Ces derniers se donnent à fond, transcendent leurs personnages, en interprétant des crétins absolus (et assumés !) avec une incroyable crédibilité. Car oui, le casting n’est pas en reste ! De McConaughey qui en une scène, nous démontre que la finance dépasse les lois de la vraisemblance et la logique dans une scène d’anthologie, à Jonah Hill en bras droit irresponsable et ultra fidèle de Belfort, en passant par Dujardin en banquier véreux uniquement motivé par son intérêt personnel, ils sont tous exemplaires. Le plus incroyable reste l’incroyable one-man show de Dicaprio. En cinq films, plus qu’un simple plaisir, une véritable relation de confiance s’est instaurée entre lui et le réalisateur. Fou, désespérément immoral, très drôle (la longue scène de drogue vaut son pesant d’or, et conforte l’idée d’injustice dans son oubli dans la course aux oscars), il incarne ici un de ses plus beaux rôles.
D’une incroyable rapidité malgré ses 3 heures au compteur, d’une force narrative exemplaire à l’instar de ses précédents films, Scorsese confirme, avec un matériau des plus solides, qu’il reste un des principaux maîtres du 7e art, si ce n’est le meilleur. Et surtout le plus créatif.