- C'est quoi un loup-garou ?
- C'est un homme qui par moments se transforme en loup.
- Il marche à quatre pattes, il mord, il attaque et il hurle à la lune ?
- C'est parfois pire que ça.
- "Que vous avez de grands yeux, mère-grand."
- C'est aussi une histoire de loup-garou. Mais il y en a d'autres. Il y a un ancien poème : "Même un homme au cœur pur qui dit sa prière le soir, peut devenir loup quand l'aconit fleurit et que la lune d'automne brille."
Quiconque survit à la morsure d'un loup-garou devient lui-même un loup-garou
Si "Le monstre de Londres" de Stuart Walker est la première production à poser les bases du loup-garou pour Universal Pictures dans le cadre du Universal Monsters, c'est "Le Loup-garou" (seconde proposition cinématographique sur la créature pour le studio), réalisé par George Waggner, qui va définitivement poser les codes de ce monstre occulte. Des codes qui vont devenir légion, jusqu'à être intégrés à la légende du loup-garou. Exemple avec l'"argent". L'argent, défense ultime contre les forces du mal, qui trouve initialement son origine dans le conte des frères Grimm : "Les Deux Frères", où une sorcière est abattue par un pistolet chargé d'une balle en argent. Élément qui à travers les années sera réutilisé notamment avec le roman d' Élie Berthet : "La Bête du Gévaudan", où il est précisé que pour blesser mortellement la bête il faut utiliser des pièces d'argent. Composante réutilisée dans "Histoire fidèle de la bête en Gévaudan" de Henri Pourrat, qui précise que la bête aurait été tuée grâce à des médailles d'argent de la Vierge Marie, transformées en balles de pistolet. Une imprégnation forte qui aura su traverser le temps pour logiquement finir par être adapté au loup-garou à travers cette œuvre avec l'introduction de la fameuse canne que Lawrence Talbot (Lon Chaney Jr.) achète dans un magasin d'antiquités tenu par Gwen Conliffe (Evelyn Ankers). Une canne dotée d'une crosse d'appui en argent ayant la forme d'un loup agrémenté d'un pentagramme argenté représentée par une étoile de Loup. Une pièce rare emblématique offrant un préambule officiel à l'argent dans le cheminement du loup-garou.
Avec "Le Loup-garou", George Waggner propose un film d'horreur fantastique important qui va servir de référence absolue en matière de loup-garou. Une prouesse que l'on doit en partie au scénariste Curt Siodmak, qui pose une légende solide qui couvre tous les angles de la lycanthropie. Dès la scène d'ouverture, le film s'attache à placer le récit à hauteur de légende véritable, avec l'introduction narrative d'un mythe mélangé à une portée scientifique afin de lui offrir une crédibilité. « Lycanthropie : Psychose de celui qui se croit transformé en loup. D'après une vieille légende qui perdure dans certains villages, les victimes prennent l'apparence physique de l'animal. Dans un village, près de Talbot Castle, cette créature surnaturelle a laissé de profondes marques. » L'intrigue joue très bien des superstitions d'un village reculé, où un homme civilisé trouve son pragmatisme malmené lorsqu'il se fait mordre par un loup et qu'il se met à changer. Une confrontation psychologique traumatique où peu à peu la logique d'une démence laisse place à l'invraisemblable malédiction du loup-garou. S'ensuit un périple ébranlant où les rebondissements se multiplient à travers une action et une horreur limitée, pour une conclusion tragique et Shakespearienne.
La réalisation de George Waggner est plaisante. Elle s'appuie sur la photographie de Joseph A. Valentine appuyée par la direction artistique de Jack Otterson pour offrir une atmosphère horrifique de qualité. L'ambiance poisseuse d'un village anglais entouré d'une sinistre forêt où réside un brouillard anxiogène. Un environnement oppressif qui apporte une texture étrange et malsaine. Un cadre atypique sur lequel s'articule des décors inaccoutumés que l'on doit à Russell A. Gausman, comme avec le manoir Talbot comprenant son observatoire doté d'un gros télescope, ou encore le camp Gitan mystérieux. Une identité graphique de qualité à quoi s'ajoute l'excellente lugubre composition musicale de Charles Previn, Hans J. Salter et Frank Skinner. Les effets spéciaux d'Ellis Burman et John P. Fulton ont pris un sacré coup de vieux en matière de qualité. Pour autant, ils restent un plaisant à voir pour la conception méthodique de son époque. Ici, avec la technique du fondu enchaîné où on assiste à la transformation en loup-garou de Lawrence depuis les pieds, qui deviennent poilus à mesure que les secondes passent. Bien que la supercherie soit visible, ça reste un régal à regarder.
Le casting est superbe ! Lon Chaney Jr. est sidérant sous les traits de Lawrence Talbot. Un comédien imposant qui a bâti sa carrière sur des rôles atypiques où il chamboule son physique. Un représentant important des monstres classiques cinématographiques auquel il apporte une véritable dramaturgie tragique. Un acteur engagé qui y aura mis de sa personne puisqu'il fallait au génial maquilleur "Jack P. Pierce", six heures pour le transformer en loup-garou. Sachant qu'il fallait trois heures de plus pour tout enlever. Un loup-garou visuellement bien fichu, adapté à l'excellente performance de Chaney Jr. qui offre un aspect tourmenté perceptible. Une psychose qui capte le spectateur notamment lors de la fête foraine avec le tir à la carabine, l'échange dans la chapelle avec la Gitane, et bien d'autres encore. Le reste de la distribution est talentueuse, Evelyn Ankers pour Gwen Conliffe apporte une fraîcheur bienvenue avec un côté sarcastique qui lui va à la perfection. Claude Rains pour Sir John Talbot est top. La relation qui l'uni à son fils est subtile et touchante. Béla Lugosi, dans le rôle du gitan Béla est extraordinaire. Malgré son petit rôle, le comédien marque une nouvelle fois de sa présence. Maria Ouspenskaya en tant que Maleva s'en sort également très bien. Le chef de la police, Paul Montford par Ralph Bellamy et le Dr Lloyd Warren William font également le taf.
CONCLUSION :
"Le Loup-garou" réalisé par George Waggner est une pièce horrifique importante pour le folklore mythique d'une créature occulte qui trouve sa forme définitive à travers cette œuvre. Pentagramme avec le signe du loup dans la paume de la main, pendentif étoilé, sortilège, malédiction, transformation, aconit, argent, pleine lune, forêt brumeuse, manoir sinistre, gitan... la légende du loup-garou ! Un film d'ambiance haletant au service d'un excellent comédien qui nous régale de sa performance dramatique.
Une belle pièce d'épouvante.
- C'est le signe du loup-garou.
- Mais c'est une légende, non ?
- Comme toutes les légendes, elle a une part de vérité. Elle est peut-être fondée sur le dédoublement de la personnalité. Est-ce que je m'en souviens ? "Même un homme au cœur pur qui dit sa prière le soir, peut devenir loup quand l'aconit fleurit et que la lune d'automne brille."
- C'est drôle. La fille de l'antiquaire m'a dit la même chose.