En 1969, le jeune John Landis est assistant réalisateur sur De l’or pour les braves qui se tourne en Yougoslavie. Il assiste à un enterrement tsigane qui l’étonne fortement puisque le défunt est enterré à la verticale pour éviter qu’il puisse revenir hanter les vivants. La confrontation soudaine entre ces superstitions ancestrales et l’époque moderne lui a donné l’idée d’écrire un scénario qui mêlerait tradition et esprit cartésien dans un même mouvement.
John Landis se demande comment il réagirait au retour d'un mort. Il pense qu’il serait d’abord terrifié, puis mort de rire. Il commence dès lors à imaginer l'histoire et à écrire son scénario. Avec le temps, le mort-vivant revenant à la vie devient un vampire, puis un loup-garou.
Le temps passant, John Landis est devenu un cinéaste bankable grâce aux succès de Schlock en 1973, de Hamburger Film Sandwich en 1977, de American College en 1978 et des Blues Brothers en 1980. Désormais considéré comme le pape d’un nouvel humour très tendance aux États-Unis, John Landis peut revenir à la charge avec son scénario de film horrifique de loup-garou, mâtiné de blagues potaches et d’un ton satirique.
Malgré sa situation enviable, John Landis ne parvient à réunir que 10.000.000$ grâce à la société Polygram Pictures dirigée par les producteurs Peter Guber et Jon Peters. Il va aussi disposer des avantages fiscaux déployés par le Royaume-Uni afin de faciliter les tournages sur son territoire. Le choix de Londres n’était pas arrêté dans le scénario d’origine, mais s’est donc imposé pour des raisons fiscales.
Des inquiétudes se font sentir du côté de Peter Guber et Jon Peters concernant le côté horrifique et satirique du scénario. Il faut dire que parallèlement, un certain Joe Dante est également en train de préparer un film de loup-garou.
C’est ainsi qu’en 1981, sort An American Werewolf in London de John Landis et The Howling de Joe Dante (et aussi un certain Wolfen de Michael Wadleigh) remettant le loup-garou sur le devant de la scène.
Deux jeunes américains, David et Jack, se lancent dans un voyage en Europe. Ils se retrouvent au milieu d’une campagne anglaise, les gens du pays les mettent en garde : « Restez sur la route, ne vous aventurez pas dans la lande » et « Attention à la Lune ». Les deux garçons s’enfoncent pourtant dans l’obscurité, lorsqu’ils sont surpris par un hurlement terrifiant…
Si John Landis n’échappe pas toujours à l’effet carte postale du Royaume-Uni, il tire toutefois son épingle du jeu en faisant débuter le récit dans la lande galloise. Le spectateur féru de films d’horreur retrouve ses marques en se souvenant des films de la Hammer.
Dès la présentation des personnages, le réalisateur insiste sur la dimension comique, notamment à travers des dialogues percutants et amusants (le passage dans le pub). Toutefois, dès que la menace du loup-garou se précise, le cinéaste parvient à tendre l’atmosphère et l’extrême violence du premier affrontement vient rappeler que nous sommes bien face à un film d’horreur.
Après cette longue introduction dans la lande, John Landis nous transporte à Londres, dans un environnement contemporain qui n’a plus rien à voir avec l’atmosphère gothique et brumeuse du début même si on retrouve un côté victorien.
Pour le duo de héros, les producteurs Peter Guber et Jon Peters voulaient Dan Aykroyd et John Belushi, le duo des Blues Brothers, afin de recréer le même succès. John Landis du se battre pour imposer deux parfaits inconnus : David Naughton et Griffin Dunne.
À Londres, on retrouve des éléments humoristiques qui ne parasitent pas l’angoisse naissante quant au destin du jeune David incarné avec bonhomie et fraîcheur fort sympathique. L’intrusion de son ami Jack, mort-vivant, inquiète et vient sonner le rappel de l’horreur. A cela, on ajoute des scènes de cauchemar efficaces, dont une invasion très cinéma bis de loups-garous nazis dans la demeure du héros, par ailleurs clairement juif. Un sous-texte intéressant quand on sait que John Landis est lui aussi israélite.
John Landis fait un cameo dans les rues de Londres, à Piccadilly Circus.
Rien ne laissait présager la scène choc du film : la transformation du jeune David en loup-garou en pleine lumière, à grands renforts d’effets spéciaux mécaniques particulièrement brillants. Quiconque a pu découvrir cette scène en est resté à jamais marqué, tant elle est réaliste. Tournée sur une semaine complète, la scène a redéfini à elle seule les possibilités en matière d’effets mécaniques dans les années 80.
Les maquilleurs Rick Baker et son apprenti Rob Bottin sont sollicités pour diriger les effets spéciaux de The Howling. Sûrement parce que Bottin avait déjà travaillé avec Joe Dante sur Piranha en 1978. En plein travail, Rick Baker quitte le projet au profit de An American Werewolf in London, laissant Rob Bottin seul sur The Howling.
À la sortie des deux films, la même année, les effets spéciaux de l'élève et du maître sont tout deux aussi impressionnants, mais c'est Rick Baker qui remporte l'Oscar des meilleurs maquillages en 1982.
Les effets spéciaux sont gores, particulièrement ceux de Jack. Pour éviter le classement R (-17 ans chez nous), John Landis coupe plusieurs plans de la scène de sexe entre Alex et David ainsi que certains plans de Jack. Il supprime aussi la séquence où l'on voit ce que fait le loup-garou aux trois sans-abri. John Landis avouera plus tard regretter ces choix.
Le premier film de John Landis, Schlock, est une parodie du King Kong de 1933. On retrouve une fois de plus l’héritage de King Kong dans An American Werewolf in London.
Alex, interprétée par Jessica Agutter est la belle dans les griffes de Kong. Elle voit l’humanité de David dans les yeux du monstre. Elle fait tout ce qu’elle peut pour essayer de l’aider même si au début elle ne croit pas en la malédiction. Jusqu’au bout, elle sera là pour lui, elle l’aimera et c’est cet amour qui causera la chute du loup, qui aux portes de la mort ne fera plus qu’un avec son hôte, retrouvant un peu d’humanité avant de mourir.
La belle tua la bête. Le film se termine sur cette image, nous laissant avec une grande tristesse. Le monstre n’était pas totalement mauvais, il ne répondait qu’à son instinct. L’hommage est réussi, An American Werewolf in London ramène le monstre sur le devant de la scène. Le film entrera dans l’histoire en inspirant d’autres œuvres et artistes comme Michael Jackson qui engagera John Landis et Rick Baker pour tourner le clip de Thriller.
An American Werewolf in London est le film préféré de John Landis. Il a su apporter un équilibre entre émotion et terreur, tout en permettant une meilleure compréhension des enjeux dramatiques de ce type d’histoire. C’est une œuvre qui a marqué plusieurs générations, que ce soit tant pour son écriture tragi-comique que pour ses effets pratiques et maquillages extraordinaires.