Il arrive qu’un film ne nous touche pas. Ou qu’on y reste comme étranger. Cela peut être dû au thème abordé, à la prestation des acteurs ou à mille autres éléments mineurs qui s’avèrent en réalité primordiaux.
Un de ces éléments est indéniablement la mise en scène. Il est difficile, quand on est cinéphile amateur, de comprendre le vocabulaire technique déployé par la critique. On se rend souvent au cinéma pour apprécier une histoire, plutôt que pour s’attarder sur la manière dont elle est filmée.
Dans Le Lycéen, Christophe Honoré fait un choix à côté duquel on ne peut toutefois pas passer. La quasi intégralité du film est tournée en caméra épaule, ce qui signifie que l’image est tout le temps en mouvement. Il se place également très près des visages comme pour en extraire les émotions et se permet même des zooms très importants, pour ne pas dire outranciers. Que l’on aime ou non cette mise en scène, elle n’est pas sobre et c’est un choix important qui influence toute l’expérience du film. Or, et cela est rare, il est largement possible d’apprécier Le Lycéen, même en répugnant les techniques qu’il emploie. Car Le Lycéen n’est pas un film; c’est un traité, un conte philosophique.
Nous suivons Lucas. Il est interprété par Paul Kircher qui perce l’écran avec une assurance et un charme très prometteurs. Lucas a 17 ans et beaucoup d’énigmes à résoudre suite à la mort brutale de son père. En effet, Le Lycéen s’impose avant tout comme une énigme. La voix off du héros ponctue le film de réflexions et de questionnements à la fois bien amenés et bien écrits qu’il est possible de faire résonner en nous. On voit d’ailleurs parfois Lucas parler, face caméra mais évitant son objectif, devant un fond noir. Est-il en audition dans un commissariat ? S’adresse-t-il simplement à nous, spectateur.ice.s, pour nous donner des pistes de lectures du film ?
Au fond peu importe. Ce qui compte c’est de voir ce jeune homme nous parler et de comprendre qu’il incarne le film dans son entier. Tout ce qui s’y déroule ne pourrait être que le produit de son imagination. Mais l’important est de suivre ses raisonnements et d'abattre, avec lui, certains fondements de nos modes de vie. Pourquoi ne veut-on pas parler de certains sujets ? Et en même temps, pourquoi parler ?
Christophe Honoré embrasse l'irrévérence et l’impudeur de l’adolescence pour nous la renvoyer avec brio. Le Lycéen ne cesse de montrer que les adultes n’ont guère plus de réponses que les plus jeunes, et que chercher à tout résoudre n’est peut être pas une quête louable. A qui peut-on parler ? Comment aimer ? C’est d’une franchise brutale, volontiers rendue par certains effets de montage.
Et s’il on parle de franchise, il ne faut pas omettre que le réalisateur a lui-même perdu son père à l’âge de Lucas. Le Lycéen est un témoignage. C’est un chemin vers la guérison et le deuil. C’est une invitation, sinon à comprendre, au moins à essayer. Comprendre quoi ? Que toutes les questions ne cherchent pas de réponse, sans doute…
Avant de clamer qu’il faut acheter un trépied à Vincent Honoré, peut-être devons nous réfléchir à son film. Sans doute est-il même nécessaire d’y songer, de rester jusqu’à la fin du générique. A l’image de cette critique, Le Lycéen prouve qu’il est indispensable de questionner sa vie. Tous les chemins sont bons qui mènent vers la résilience. Et s’il est important pour nous de regarder des films, sans doute est-il encore plus important pour d'autres de les réaliser.