Claude Autant-Lara a réalisé "Le magot de Josefa" en 1963 c'est-à-dire vers la fin de sa carrière cinématographique. C'est un cinéaste très curieux, à mon avis, capable du meilleur et du pire. Un peu comme Jean-Pierre Mocky mais dans un autre registre et quand même globalement meilleur.
Son itinéraire politique est "flou", de l'extrême gauche à l'extrême droite. Ce qui aurait tendance à éveiller ma méfiance. Sa carrière cinématographique fut une des cibles des cinéastes de la Nouvelle Vague comme caractéristique d'un "cinéma dépassé". Ce qui aurait tendance à éveiller ma sympathie.
Et "le magot de Josefa" ? Le scénario raconte l'escroquerie que monte deux compères, Justin Truculia et Pierre Corneille vis-à-vis de la mère du premier, Josefa, qu'il croit richissime. Mais voilà, quand Pierre Corneille vient récupérer l'argent pour honorer un "faux" chèque en bois, il tombe sur une Josefa qui n'a aucune fortune et qui ne tombe pas dans le piège.
En soi, l'idée n'est pas mauvaise d'autant que tout cela se passe dans un contexte local haut en couleur entre des paysans radins et avides et ne crachant pas sur la bibine, un maire fort en gueule et une survoltée Josefa qui tient "le café-épicerie" du village.
On reconnait bien là la férocité de Claude Autant-Lara dans sa description assez truculente et très caricaturale des villageois finalement livrés à leurs bas instincts.
C'est une survoltée Anna Magnani qui fait un abattage énorme dans le rôle d'une femme, Josefa Truculia, au nom bien trouvé, certainement généreuse mais marquée par la vie et les déboires sentimentaux."Porca Miseria" dit-elle en tentant en vain de récupérer les ardoises de ses clients et distribuant des claques sous le coup de l'énervement.
Face à elle, une bande d'alcolos menée par Christian Marin. En embuscade, Virlogeux, en fossoyeur tout aussi imbibé.
Pierre Brasseur dans le rôle du maire n'arrive même pas à élever la voix face à la tornade Magnani.
Il n'y a que Bourvil dans un rôle où il garde son calme et reste zen dans la tempête et essaie de tirer les marrons du feu. Avec succès.
Quelques scènes fameuses comme le bal improvisé dans le café de Magnani où même le (jeune) curé se désape (enfin, il enlève sa soutane aux nombreux boutons) pour pouvoir danser un tango avec une jeune fille du village. L'humour sous-jacent est quand même grinçant car la jeune fille entraine le curé suite à un pari entre copines, histoire de le mettre en difficulté et de se foutre de sa gueule en douce. On n'est pas vraiment dans une ambiance bon enfant et sympa.
Une autre scène est d'une férocité incroyable lors du sac de l'épicerie de Josefa en son absence où tous les acteurs et actrices, jeunes ou vieux, ont des visages luisant d'avidité. Y compris une très vieille toute voutée qui n'a pas de poches assez grandes pour enfourner les marchandises volées. Y compris une petite fille qui tire la langue pour pouvoir piquer un maximum de bonbons dans les grands bocaux en un minimum de temps. La scène est cruellement crédible. Des loups que rien n'arrête. Et encore, c'est faire injure à des loups.
Et je termine par une belle scène où Magnani se calme et montre un visage enfin apaisé pendant quelques minutes lorsqu'elle écoute une chanson de Henri Salvador chantée par Bourvil.
Tout ceci n'est toutefois pas suffisant pour crier au chef d'œuvre même si de temps en temps devant les dialogues provocateurs et outranciers, on rigole (franchement et nerveusement). Il y a en particulier plusieurs pistes évoquées mais non développées qui aurait aidé à enrichir le scénario et étoffer les personnages.
A cause de l'abattage de la Magnani, à cause de Bourvil (parce que j'aime beaucoup l'acteur et qu'il n'est ici pas mauvais) et à cause de Pierre Brasseur qui a trouvé son maître en Magnani, je pousserai la note à 6.