Et hop ! Deux erreurs à ne pas faire avant de visionner ce film. Connaitre par coeur la chanson "I want to spend my lifetime loving you" (quand le thème musical revient régulièrement dans le film, ce n'est pas simple de ne pas chanter en même temps), et connaitre un peu trop bien aussi la série de Walt Disney. Croyez-moi, lorsqu'on vous répète pendant des centaines d'heures que Don Alejandro est le père de Don Diego, ça fait carrément bizarre de voir qu'Alejandro est ici le fils spirituel de Don Diego.


Eh bien, malgré toutes ces embûches, j'ai beaucoup apprécié ce film, ce qui en dit assez sur sa qualité.


Alors évidemment, c'est un film de facture très classique. Un critique citait le Comte de Monte-Cristo, c'est assez juste. Don Diego est emprisonné, condamné à l'oubli de ceux qui lui sont chers (sa fille, Elena) et revient vingt ans après pour satisfaire sa vengeance. Parallèlement à ça, un voleur des chemins veut venger son frère. Les haines s'allient, et voilà Don Diego transformé en mentor pour amener le jeunot à voir plus loin que sa haine. A redevenir l'icône d'espoir que Don Diego n'a plus le courage ou la volonté d'être.


Classique, on a dit. Cela reste un parcours initiatique. C'est d'ailleurs tellement classique que le réalisateur se permet de sauter une ou deux étapes faute de temps, certain que le spectateur fera le lien de lui-même car il connait l'évolution attendue. Et ça fonctionne, l'histoire ne semble pas si décousue que ça.


Classique mais esthétique. Les décors et les costumes transportent directement dans la Californie des années 1820-1840. Aucune faute de goût.


Classique mais crédible. Les acteurs sont là, jouent leur partition d'excellente manière, on croit à leurs personnages. Le capitaine Love est un peu plus en-dessous car desservi par son rôle de psychopathe, mais on ne demande pas non plus au capitaine Garcia d'avoir plus de profondeur. Et franchement, Matt Letscher exploite son rôle au maximum.


Alors, parfait ?


Presque. C'est que j'ai tellement apprécié que j'aurais bien vu ce film allongé en deux parties, moi. Comme je le signalais, pas mal d'ellipses sont faites pour que le film tienne ses délais et puisse présenter de superbes duels d'épée. Un film dédoublé aurait permis un développement plus lent et plus immersif du lien entre les héros.


Est-ce bien nécessaire pour un film de divertissement ? Eh bien oui. Parce que finalement, au-delà du film de cape et d'épée qu'on affectionne tous plus ou moins, il y a quand même une interrogation qui est au coeur de ce film et qui en fait tout le sel. Le Masque de Zorro n'est pas un simple récit de quête initiatique, il pose également une question centrale : "Qu'est-ce qu'être Zorro ?"


Attention, ça devient plus sérieux.


Don Diego a été Zorro, il ne veut plus l'être. Etre Zorro lui a trop coûté, lui a pris sa femme et sa fille. Il ne veut plus être Zorro, il veut se consacrer à sa vengeance privée par amertume. Il n'est plus Zorro, mais il a une haute idée de ce que Zorro est. Et s'il doit laisser son nom, son successeur doit être digne de la légende qu'il a brodée, et peut-être aussi un peu de son propre idéal. Un film sur la transmission, mais pas seulement. Ainsi, au travers des yeux de Don Diego, se dessine le portrait d'un Zorro tel que chacun d'entre nous a pu se l'imaginer. Parce que c'est aussi le Zorro qu'attend la foule. Fin bretteur, altruiste, redresseur de torts et surtout porteur d'un espoir. Si le personnage de Zorro est trop lourd à porter pour Don Diego, c'est que ce n'est pas seulement son personnage, c'est aussi celui d'un peuple. Mais il est difficile de porter l'espoir d'un peuple quand son coeur est amer. Raison pour laquelle il cède la place à celui qui aura encore la fougue d'incarner ce message.


La foule, c'est nous. Nous, qui contemplons en spectateur les exploits de Zorro en nous enthousiasmant sur ses cascades périlleuses. Nous qui rions lorsque l'ennemi est ridiculisé, qui applaudissons lorsque justice est faite. Nous ne serions également pas contre donner un coup de main à Zorro sur son passage, un petit croche-pattes au soldat qui lui court après, une cachette accordée à un moment opportun. La foule, c'est nous, et un homme nous montre et nous encourage à briser les jougs qui nous entravent pour vivre libre.
Une petite phrase, passée inaperçue dans le film : "Je connais beaucoup d'hommes qui pourraient être Zorro."
Chacun de nous pourrait être Zorro.


A la fin du film, cette image, après l'explosion, de Zorro, démasqué, au premier rang de la foule qu'il vient de libérer, avec Elena à ses côtés. Zorro n'a plus de masque, car il est comme chacun de nous. Il est chacun de nous.
...


Vous voulez savoir ce qui sépare un film lambda d'un bon film ? Ça. Il fait réfléchir le spectateur.
...


Ne boudons pas le plaisir de revoir nos classiques.

Luevana
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le 6 mai 2020

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