Il existe parfois des œuvres qu'il faut accepter de ne pas totalement comprendre, tant elles sont personnelles, rattachées à leur auteur. Cela vaut particulièrement pour Andreï Tarkovski et son superbe "Miroir". Il est vrai qu'une bonne connaissance de la vie et de l'œuvre du cinéaste permettra de mieux saisir le film. Mais pas forcément de mieux l'apprécier ... car, qu'on analyse ou non, il est impossible de ne pas sentir à quel point Tarkovski (dont la qualité d'artiste fait ici plus que jamais partie intégrante de sa qualité d'être humain) s'est livré de tout son être dans ce véritable poème cinématographique. Il y fait d'ailleurs figurer son propre personnage, mais le filme rarement : le point de vue reste la plupart du temps subjectif. Cependant, ce n'est jamais son point de vue à l'instant narré : il y a toujours un décalage temporel. Ce décalage, c'est le recul qu'a pris l'homme sur son passé ; il le revoit d'une autre manière, beaucoup plus apaisée, beaucoup plus réfléchie, beaucoup plus spirituelle.
Tous les sentiments du grand Tarkovski habitent cette œuvre charnelle ; avant même d'être un film, c'est un voyage dans l'âme d'un homme, dans ses souvenirs, ses regrets et ses tourments ...