L’année passée, j’ai tenté de visionner « Le miroir » de Tarkovski, en guise de première porte d’entrée vers l’œuvre du réalisateur russe. Pourquoi ? Naïvement parce qu’il s’agit, parmi ses films reconnus, de l’un des plus courts (après « L’enfance d’Ivan »,…) et que le titre retenait mon attention. Avec mon regard cinématographique à peine en chantier, se confronter à ce film, était comme tenter de sortir par la fenêtre et inexorablement, je me suis cassé la gueule.
Ce film décousu est peut-être le plus exigeant et déroutant qu’il m’ait été donné de voir. Tarkovski joue avec le spectateur, au point d’en être malmené, si pas suffisamment armé.
Après moins d’une heure de visionnage (sur 1h45), j’ai réalisé le monde qui séparait l’oeuvre de mon regard, mes yeux d’antan n’étaient pas en mesure de vivre cette expérience hors d’atteinte.
Et pour la première fois, depuis que je m’aventure au coeur du Cinéma, j’ai jeté les armes, j’ai courbé l’échine, ramené de force à ma condition humaine, par la fin d’un songe.
Sous le poids insoutenable de l’incompréhension, seule une certitude inflexible survivait : Les vingt premières minutes du film étaient ce que j’avais vu de plus beau.
Depuis, près d’un an de magnificences et de désillusions cinématographiques plus tard,
mon regard a assimilé l’incompréhension comme un pan même du processus artistique.
Aujourd’hui, dans la culture de l’immédiat, celle qui a la prétention grossière de l’exhaustivité, où tout se veut explicite, tout est montré et expliqué en quelques secondes.
Á présent, je suis en mesure d’apprécier les zones d’ombre d’une oeuvre, à leur juste valeur, étant indissociables de l’éclat du visible dont l'inintelligible est la source.
Bref, hier, j’ai réitéré (jusqu’au bout, cette fois) la contemplation du « Miroir » de Tarkovski et je suis toujours sur le cul. Ce long-métrage émergea une réminiscence enfouie, peut-être le même sentiment qui m’accabla après avoir tourné la dernière page du « Procès » de Kafka, celui de s’être perdu en se retrouvant. Ce film me soumet à la même question, celle d’un être momentanément accompli, avant de sombrer de nouveau dans le Néant :
Que faire maintenant ?