Je dois vous avouer que j'ai complètement oublié Le Monde de Nemo. Je l'ai vu il y a une dizaine d'années et il me semble que je n'avais pas trop accroché, sans me souvenir pourquoi. Je serais donc incapable de dire si cette suite n'est pas redondante sur certains aspects, ou si elle ne pourrait pas écoper de la mention maudite de suite "inutile". Je parlerai de ce film pris à part, comme si je n'avais pas vu son prédécesseur.
Après avoir bénéficié en ouverture d'un des courts métrages les plus magnifiques et mignons que j'ai jamais vu, j'étais déjà émotionnellement investi pour la suite. On continue dans les bouilles choupies avec un bébé Dory adorable et ses parents dont la patience et l'amour pour leur fille handicapée attendrirait un cœur de pierre. C'est là que je me suis rappelé que j'avais sous les yeux un Pixar et pas une simple suite commerciale. Ce flashback d'intro est une réussite qui fait transpirer toute la solitude d'une petite fille en totale perte de repères. Ce ne sera pas la seule séquence émotion, qu'il s'agisse d'une plongée dans le grand bain, d'une séquence en vue subjective, de la prise de conscience du temps perdu ou d'un grand vide silencieux.
Là où l'on retrouve la patte Pixar, c'est aussi dans la façon dont les personnages se meuvent dans leur environnement. Alors que Le Monde de Nemo permettait à ses poissons de nager librement sous l'océan, Le Monde de Dory choisit au contraire de les en faire sortir pour leur infliger le même défi que dans les Toy Story ou Ratatouille : les mettre face à un environnement qui n'est adapté ni à leur taille ni à leurs capacités, les forçant à trouver des moyens incongrus pour passer d'un point à un autre. Le tout en esquivant des enfants dont la dangerosité inconsciente évoque fortement Toy Story 3, un rappel toujours aussi amusant et salutaire. Cette manière de progresser dans un décor banal rendu difficile à traverser me plaît toujours, en toutes circonstances, et elle est en plus justifiée par le caractère de l'héroïne. Comme elle a une mémoire à très court terme, elle a naturellement basé son mode de vie sur le mouvement et sur les interruptions, transformant logiquement son périple en fuite en avant. On a donc souvent des péripéties parfaitement gratuites, mais elles font partie du voyage et sont toujours sympathiques. Ce voyage est d'ailleurs magnifié par des images splendides. Un régal pour les yeux qui enterre tout ce qui se fait actuellement, sauf le court-métrage d'ouverture.
En prenant du recul, j'ai pris conscience de nombreux défauts. Il y a de grosses facilités, notamment sur les pertes de mémoire qui ne se déclenchent pas quand ça arrange l'histoire. Certains fusils de Tchekhov sont mis en valeur et répétés avec trop d'insistance, certains discours sont lourds, quelques personnages sont sous-exploités et il y a des situations qui manquent de la folie habituelle de Pixar. C'est vrai. Mais durant le visionnage je m'en fichais et je m'en fiche toujours après. Même si on a vu des Pixar bien plus géniaux que celui-là, j'ai été complètement emporté au point que ses tâches me sont passées au-dessus et que je voulais juste que ma séance ne finisse jamais. Les quelques nouveaux personnages sont parfois très attachants, ce poulpe blasé restera dans ma mémoire. On joue à fond sur le côté mignon de quelques personnages et ça marche pour moi, quitte à tourner en dérision ce culte de tout ce qui est adorable. Le Monde de Dory m'a apporté une très agréable vague de fraîcheur.