« The World Moves On » est une saga familiale qui s’étend de 1825 à 1934. Ford n’aimait le scénario mais le producteur lui imposa de le filmer tel quel (pas d’irlandais, pas de cornemuse et pas de personnage nommé Quincannon). Le réalisateur apporta les bobines au producteur et lui dit de le monter lui même (aucun nom de monteur au générique) et renia le film dès sa sortie. Il n’est donc pas surprenant que le résultat soit inégal avec des transitions qui s’emboitent mal. Heureusement, une bonne partie du film (environ 30 minutes) sont des scènes de guerre, à la fois sur mer (la très lisible scène de torpillage) et sur terre, en rendant bien l’impression de boucherie effroyable que furent les batailles de tranchées de la guerre 14-18. Les parades et le discours prémonitoire de la fin sur les nationalismes avec des images d’archives et les inquiétants saluts d’Hitler et de Mussolini comme le défilé de la Place Rouge (L’URSS et l’Allemagne nazie se partageront la Pologne cinq ans plus tard) donnent froid dans le dos. Sinon nous assistons à une mystérieuse et belle romance, illuminée par une épatante Madeleine Carroll, mais dont les différents soupirants, Franchot Tone compris, semblent par moments peu concernés, malgré les paroles prononcées. De même, la partie business est nettement moins réussie et surtout lourdingue par son côté répétitif « tout pour la famille ». Mais le monde financier en prend pour son grade avec l’irruption de la crise de 29 et du comportement de rapaces des banquiers face à une crise qu’ils ont eux même soutenue. C’est sans doute la partie qui a le plu intéressé le cinéaste car il la traite avec une sécheresse et une cruauté des plus brèves, glaciales et inéluctables. De nos jours, il est impossible de ne pas faire le parallèle avec « Les quatre cavaliers de l’apocalypse » que Minnelli réalisa en 1962. Face à ce chef d’œuvre, « The World Moves On » ne tient que par les scènes de bataille, sa charge contre les banques et le discours prémonitoire à la fin (comme quoi les américains savaient). Néanmoins, malgré sa romance glaciale et le peu d’humanité développé dans les souffrances (ce qui explique surement pourquoi Ford n’aimait pas le scénario), le film vaut largement plus que sa médiocre réputation.