Salut à toi voyageur.
Il faut que je t'explique pourquoi je met 9 à ce film et que je clique sur le p'tit coeur. C'est important.
The Beast from 20,000 Fathoms, c'est l'histoire de tests nucléaires au Pôle Nord qui vont réveiller et libérer un monstre préhistorique prisonnier des glaces depuis 100 millions d'années. Voilà pour le scénario (qui rappellera déjà pas mal de choses à la plupart d'entre vous), d'une simplicité désarmante mais qui a depuis largement prouvé son efficacité. Passons. On s'en fout.
Ce film est un coup de coeur pour son esthétique relativement exceptionnelle, proposant certains plans en clair obscur d'une grande intensité, laissant apparaître la forme étrange et monstrueusement gigantesque de la créature, se mouvant d'un pas lourd et hésitant, sinueux et serpentin, titanesque tank d'écailles dans la nuit de suie, en quête de sa simple survie.
Ray Harryhausen se déchaîne ici pour la première fois réellement, signant des scènes de destruction massive parfois dantesques, parfois chuintantes de discrète poésie et de clins d'oeil touchants à son ami Ray Bradbury dont il s'inspire ouvertement en reprenant la nouvelle "La Corne de Brume", présentant le monumental saurien approchant presque timidement la lumière blafarde d'un phare au faisceau insistant, sorte d'appel désespéré vers ce ciel de charbon d'un silence tombal.
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Après son réveil, le reptile appelé pour l'occasion "Rhedosaurus", totalement inventé mais au design de varan-iguane-dragon fort plaisant, prendra le large et coulera quelques navires puis démolira le phare précédemment évoqué avant de débouler en ville et de laisser exploser sa rage démunie d'incompréhension face à un monde qu'il ne reconnait plus. Et là, très franchement, passons sur toute autre éventuelle profondeur, c'est juste l'éclate (au sens propre comme au figuré). Parce que Harryhausen est déjà entrain de faire une démonstration passionnée et virtuose de ses aptitudes merveilleuses.
Rhedosaurus débarque et écrase quelques conteneurs sur le port puis quelques voitures et camions, avale un ou deux badauds et autres récalcitrants armés, fait face à l'artillerie militaire avec quelques rugissements désinvoltes et termine sa démonstration de force en défonçant des immeubles, se traçant sa propre route là où, auparavant, il y avait des habitations, le tout allant doucement vers le final nocturne où le gros lézard se prendra d'une envie folle de démolir les installations d'une fête foraine, encore une fois appelé par les faisceaux lumineux des multiples torches et autres guirlandes. Un titan égaré dans un monde de poupées.
The Beast from 20,000 Fathoms, c'est donc l'histoire d'un lézard géant foutant son gros bordel après quelques tests nucléaires. Une histoire essorée qui n'a plus rien d'original depuis qu'elle fut reprise un an plus tard par Ishirô Honda pour son Godzilla et ses 30 suites.
Mais The Beast from 20,000 Fathoms c'est surtout la plus belle illustration de la nouvelle "La Corne de Brume" de Bradbury et l'ultime collaboration entre les deux Ray qui jadis, alors tout deux enfants, virent leur vocation définitivement scellée devant King Kong : L'un écrira du fantastique et l'autre animera de l'extraordinaire, mais les deux resteront particulièrement fascinés par les géants du passé.