Je ne pense pas être d'accord avec toutes les idées du film. Je pense que les réactions des personnages sont parfois un peu disproportionnées. Néanmoins, Kazian défend bien son point de vue, et c'est ça qui m'intéresse (non pas le message, mais plutôt le moyen de le véhiculer).
Il est difficile de parler du scénario indépendamment de ses thèmes tant Kazian insiste dessus. Pourtant, on peut citer la construction d'exemplaire. Un élément déclencheur, des conflits attendus, un objectif à accomplir qui permettra au héros de se découvrir : en soi, nous avons là un film très structuré. Ce qui peut choquer, c'est la façon dont les choses s'agencent. Un personnage qui se dit qu'il n'a qu'à être juif quelques jours pour comprendre la douleur de ce peuple le lendemainde de la seconde guerre mondiale, ça fait sourire. Et pourtant Kazian parvient à crédibiliser cette idée : les résultats viennent assez rapidement et nous voilà dès lors embarqué dans cette aventure. Au final, croire en cette histoire, n'est pas moins absurde que de croire en des personnages qui ont des super pouvoirs. Kazian fait appel au cinéma, ou plutôt aux possibilités que le cinéma ouvre : sortir de notre réalité, fantasmer un peu pour mieux critiquer notre monde. Pour en revenir au message, Kazian utilise très bien ses personnages, au travers de dialogues, pour l'affiner ; ainsi, si le film commence lourdement, les contre arguments viennent nuancer le propos. Contre-arguments, c'est un peu faux : en fait, Kazian fait semblant d'adopter un point de vue radical au début et si les contre arguments lui permettent de nuancer son propos, ils ne mettent jamais vraiment en péril son discours ; en fait, c'est presque de la propagande. Mais l'auteur tempète un peu par le biais d'une histoire d'amour. Aussi, il faut bien dire que le film est très bavard, ce que j'ai beaucoup apprécié personnellement : cela permet d'approfondir les situations et les personnages. Malgré tout, il reste quelques passages redondants (lorsque le héros se confronte à de l'antisémitisme, on a l'impression de revoir toujours la même scène à peine plus violente).
Côté mise en scène, Kazian s'efface totalement derrière son sujet. Une réalisation qui consiste en quelques mouvements discrets, des champs et des contre-champs, des gros plans lorsqu'un personnage dit quelque chose d'important. Et puis des acteurs qui jouent bien malgré des dialogues parfois très directs, très théâtraux.
Bref, j'ai été plutôt séduit par ce film malgré quelques faiblesses. Peut-être que la noblesse du sujet empêche le réalisateur de délivrer quelque chose d'un peu plus honnête, il n'empêche que "Gentleman's agreement" est un excellent divertissement.