Synopsis
An 1327. Dans une abbaye bénédictine du sud de l’Italie, un moine nommé Guillaume de Baskerville, et tout fraîchement dépêché sur place, est chargé d’enquêter sur une disparition tout aussi mystérieuse qu’inquiétante. En effet, un des moines de la paroisse est retrouvé mort et un mystère occulte plane autour de sa disparition. Pour parvenir à sa quête, celui-ci sera accompagné de son élève, Adso, une jeune âme débutante dans la foi complétement dévouée aux conseils de son mentor. À eux deux, ils devront alors arpenter les couloirs sombres, poisseux et feutrés de ce lieu si anxiogène et tenter de percer les mystères qui voudront bien s’offrir à eux.
Personne ne nous impose de savoir. Il le faut, un point c'est tout, fût-ce au prix de mal comprendre.
Amour ≠ Haine
Dans l’imaginaire collectif, quand on s’imagine un lieu sain, la plupart d'entre nous pensent presque instinctivement à un lieu chaste, immaculé, bordé d’amour, couvert de magnifiques vitraux et ouvrant chaleureusement ses portes à la lumière du seigneur. Un lieu pur, dépourvu de tout pêché, portant en son sein des membres unis, ayant tous le même but commun, c’est-à-dire la foi. Encore plus inconsciemment et dans un processus de généralisation, les premiers mots qui nous viennent à l’esprit quand on parle de religion peuvent être divers et variées mais sont, dans la plupart du temps, des mots plutôt joyeux et qui inspirent confiance. On peut en effet penser à des mots tels que : prières, dévotion, confessions, Dieu et une pléthore d’autres. Une palette de mots tous plus encourageants les uns et que les autres et renvoyant souvent à une notion de beauté, d'immaculé, d’amour inconditionnel et de fraternité.
Cependant, dans notre cas de figure, c’est diamétralement l’opposé. C’est comme si toutes les conventions qu’on avait pu connaître auparavant s’étaient inversées. Comme si tout ce qu’on avait appris n’étaient que mensonges et totalement aux antipodes de ce que notre esprit avait pu imager en conséquence. Comme si on venait tout droit d’atterrir dans un monde parallèle, rempli de crasses, de haine, d’abominations et de toutes sortes de personnages occultes. Un monde où le rire, le progrès et la littérature contemporaine n’ont pas leurs places et où les moines pratiquent un enseignement strict et rigoureux. Un lieu où la hiérarchie religieuse règne d’une main de fer et où les religieux sont à la botte de ceux qui les plafonnent. Un lieu vil, sale et dénué de bon sens. Un lieu que l’on ne souhaiterait même pas à son pire ennemi et qui n’inspire aucune confiance. Un lieu où le démon rôde, joue à domicile et est quasi omniscient et omnipotent...
Laisse parler ton coeur, interroge les visages, n'écoute par les langues...
Gloire ≠ Misère
Le parfait exemple de ce que devrait être la gloire envers Dieu, est représenté ici par un homme nommé Guillaume de Baskerville. Incarnation de la réflexion, du progressisme et de la foi en l’humanité, il est, avec son cher compagnon Adso, qui d'ailleurs à bien de la chance, la seule lueur qui puissent inspirer paix, confiance et prospérité au sein de ces murs. Il est aussi celui que certains pères appellent fils alors que ça devrait être tout l’inverse. Il est celui qui incarne l’espoir, l’intelligence et qui est la seule âme assez compétente pouvant mettre un nom sur cette menace ô combien pesante. Le seul ayant les capacités d’éclaircir les zones d’ombres et le seul pouvant éradiquer la misère de cette abbaye avec sa foi inébranlable et ses méthodes aussi pragmatiques que remarquables. Le seul vrai garant de la gloire et de la parole du seigneur. La seule lueur, le seul espoir.
Malheureusement, quand on parle de gloire, il y a également la misère qui entre en jeu. De plus celle-ci n'est pas forcément religieuse. Elle peut également être matérielle. Si pénalisante à une époque comme celle-ci. Si insidieuse et pourtant juste au pied de cette abbaye maudite et déjà si sinistre. Elle est celle que tout le monde regarde mais que personne ne veut voir. Celle qui, de par leurs conditions notamment, condamne ces rébus de la foi qu'on pourrait qualifier de vagabond au statut d’hérétique et justifie le peu de considération qui peut être adressé à leur égard. Celle qui les condamne à leur triste sort…
Vivant du peu de restes de nourritures qui leur est balancée par les religieux comme on balancerait du pain à un pigeon et uniquement due à un acquit de conscience qu'on pourrait qualifier d'éphémère, ceux-ci vivent de pauvreté, de simplicité et de carence, que celle-ci soit religieuse ou purement pécuniaire. Ce qui est particulièrement étrange quand notre regard se pose sur eux, c’est ce sentiment de pitié qui nous habite. On est également tiraillé par cette facette de nous qui les envierait presque de ne pas être tombé dans les travers de la foi et qui leur permet de se contenter du peu que la nature a à leur offrir. C’est clair que quand on voit le physique et la manière de penser des différents pères de l’abbaye et ce que les horreurs de leur croyance, selon leur vision bien-sûr, ont pu bien leur apporter, ça donne pas forcément envie. C’est comme si la croyance avait attribué la laideur à ces hommes et les avait complétement détaché de leur condition humaine et de la réalité de ce monde. Comme si la religion était un fardeau et qu’il fallait l’éviter à tout prix…
Les simples ont quelque chose de plus que les docteurs, qui souvent se perdent à la recherche des lois les plus générales. Ils ont
l'intuition de l'individuel.
Beauté ≠ Crasse
Au milieu de toute cette immondice, réside cependant une beauté unique et quasi ineffable. Une beauté autant dans sa symbolique que dans sa laideur. Une beauté des paysages, des décors, des costumes et de tous ces maquillages. C’est comme si toute la poisse que l’on pouvait se représenter mentalement de par notre vécu avait atteint son apogée et que, soudainement, elle avait été élevée au rang art. Comme si tout cet amas de furoncles et de pus n’étaient finalement pas si laids et servaient à un tout. Ce tout, justement, c’est l’ambiance et , ici, elle est parfaitement maitrisée. Que ça soit dans l’apparence des personnages, leurs dialogues ou encore dans les silences de mort qui règnent dans l’abbaye, tout y est foncièrement abject et en même temps si magnifique à la fois. La beauté dans la laideur, le Ying dans le Yang, Dieu dans le Diable…
Je me sens peu sûr de ma vérité, même si j'y crois.
Conclusion
Finalement, je pense que c’est ça que j’ai le plus aimé dans ce film. On a vraiment l’impression d'être en constante confrontation avec une certaine sorte de dualité presque omniprésente, comme pour Adso d’ailleurs, qu'on sent sans cesse tiraillé entre le respect de la foie et le péché de l’amour charnel, et c'est un peu comme si durant l'intégralité du métrage, on faisait face à une sorte personnification de l'oxymore. À chaque fois qu’on essaie de prendre position pour quelque chose, on arrive à trouver du bon dans son opposé. Comme si le manichéisme n’était plus aussi cloisonné et qu’on pouvait trouver de la beauté et du mauvais dans tout. Comme si tout ce qui avait été créé dans le monde l’avait été pour être apprécié. Comme si l’amour et la haine n’étaient finalement pas si éloignés...
Le rire tue la peur, et sans la peur il n'est pas de foi. Car sans la peur du diable, il n'y a plus besoin de Dieu