Au 14e Siècle Guillaume de Baskerville,moine franciscain,arrive dans une abbaye bénédictine paumée dans les montagnes enneigées du Nord de l'Italie,en compagnie de son jeune élève Adso.Il vient pour assister à une réunion concernant le principe de pauvreté de l'Eglise,défendu par les Franciscains mais combattu par les envoyés du Pape.Il va être dès son arrivée confronté à une mystérieuse série de meurtres touchant les moines de l'abbaye.Ses qualités reconnues d'enquêteur poussent les autorités à lui confier la tâche de résoudre ces crimes,mais certains cadres du monastère ne vont pas faciliter ses investigations.Jean-Jacques Annaud adapte ici le célèbre roman d'Umberto Eco,et cette coproduction franco-italo-allemande a bénéficié d'une incroyable conjugaison de talents,lui assurant les moyens d'une époustouflante reconstitution d'une époque médiévale hardcore.Les pointures du ciné italien sont de sortie avec le chef-op Tonino Delli Colli,qui envoie du clair-obscur de folie dans les décors fantasmagoriques de Dante Ferretti,tandis que la costumière Gabriella Pescucci s'en donne à coeur-joie,de la robe de bure à la pourpre cardinalice.James Horner signe une musique lugubre à souhait pour bien mettre l'ambiance dans ce polar historico-religieux.De grands noms sont associés à la production avec l'Allemand Bernd Eichinger,l'Italien Franco Cristaldi et le Français Alexandre Mnouchkine.Les directeurs de casting sont Dominique Besnehard et Lynn Stalmaster,qui n'ont pas chômé et nous offrent une collection de gueules patibulaires et ravagées dignes d'un Mocky.Quant au scénario,il est l'oeuvre de Gérard Brach,Alain Godard,Andrew Birkin et Howard Franklin,qui s'en sortent bien car le bouquin était réputé peu adaptable.A la tête de cette dream team,Annaud se fait plaisir en explorant les coins et les recoins de ces bâtiments inquiétants,des chapelles aux cuisines,de la bibliothèque aux tours,en passant par le bidonville en contrebas des murailles, où survivent péniblement des paysans affamés.On sait que le réalisateur est un formaliste,et il est clair qu'il s'intéresse beaucoup plus à l'atmosphère délétère à la limite du fantastique qu'il s'attache à créer plus qu'à une intrigue policière mollement menée dont la conclusion sera d'ailleurs décevante.Il s'éclate donc à multiplier les plans sophistiqués et les mouvements d'appareils imparables à travers ces magnifiques décors à l'austérité glaçante,et à souligner la saleté et la laideur qui président en ces lieux.Défilent ainsi les vignettes choquantes,à base de trognes de moines en forme de musée des horreurs,de détritus qu'on déverse sur la population d'en-bas qui se jette dessus,de morts bien crades,de cuisine répugnante,de tortures,de déviances sexuelles et pour faire bonne mesure on nous livre un coït sauvage lors duquel Adso est déniaisé par la jolie pauvresse pas farouche prête à tout pour pouvoir bouffer un peu,scène qui rappelle la saillie brutale unissant Everett McGill et Rae Dawn Chong dans "La guerre du feu".Ce primitivisme infuse le film,dressant un portrait équivoque d'une époque où civilisation et barbarie coexistaient confusément.Sur le fond,il est de notoriété publique qu'Eco était un anticlérical,ce qui entraîne l'histoire dans une sorte de pamphlet peu équilibré.Ici l'Eglise est un repaire d'obscurantistes demeurés et de prélats se goinfrant sur le dos des populations crédules.Tout n'est pas faux dans cette vision des choses,mais c'est aussi très manichéen.Du coup on assiste à une lutte entre les gentils franciscains progressistes et les méchants légats du Pape rétrogrades.Bien sûr que la hiérarchie catholique s'enrichissait de manière excessive,mais revenir à la pauvreté absolue,comme au temps du Christ,n'aurait pas forcément aidé au développement de la Chrétienté.On sent derrière cette présentation de la situation un militantisme gauchiste laïcard,celui-là même qui finira par infiltrer l'Eglise.....et par avoir sa peau,car on voit bien depuis le Concile Vatican 2 la dégénérescence d'une institution qui court derrière la modernité et ne fait qu'écoeurer les fidèles.Pour ce qui est de l'aspect "detective story" du film,il se révèle assez faible.Les coupables sont bien ceux qu'on pouvait soupçonner dès le début,et l'argument criminel ne tient guère debout.Si ces livres étaient si dangereux,pourquoi les détenir dans une abbaye,et pourquoi ne pas les avoir tout simplement détruits,au lieu de monter cette usine à gaz peu convaincante?La distribution est marquante,avec à sa tête un Sean Connery à l'autorité rassurante en moine-enquêteur imperturbable dont le nom semble être un clin d'oeil à Sherlock Holmes.Christian Slater,qui débutait alors,est trop vert et ne fait pas le poids en novice ahuri.Le reste du casting mélange acteurs connus et moins connus,avec parmi les premiers un Michael Lonsdale onctueux en abbé faux-jeton,un Ron Perlman détonant en hérétique simplet bossu,il était déjà dans "La guerre du feu",et un F. Murray Abraham détestable comme il sied de l'être en Grand Inquisiteur sadique et truqueur.Il est à noter que son personnage,Bernardo Gui,a réellement existé mais qu'il n'est pas du tout mort comme indiqué dans le film,c'est historiquement n'importe quoi.Tous les autres ont des tronches à faire peur,les principales gargouilles étant Feodor Chaliapin Jr.,flippant en doyen aveugle aux atroces yeux blancs,Volker Prechtel,terrifiant en bibliothécaire à l'extrême maigreur et aux traits difformes,flanqué de son adjoint le révulsant Michael Habeck,genre d'obèse albinos.Elya Baskin en apothicaire et Helmut Qualtinger en intendant participent brillamment au concours de mocheté.Les Franciscains sont moins laids,c'est sans doute voulu,et joués par Leopoldo Trieste,William Hickey,le coscénariste Andrew Birkin,frère de Jane, et Vernon Dobtcheff.Seule femme du film,Valentina Vargas est très sexy en sauvageonne pas farouche.Surprise du chef,la présence en cardinal bien dodu de l'écrivain Lucien Bodard.Notes et critiques de films de Jean-Jacques Annaud publiées précédemment:voir critique "Notre-Dame brûle".Nouvelle moyenne:7,2.