Le Nouveau Monde de Malick est une œuvre saisissante par la beauté sauvage de ses images, son souci de réalisme et la poésie subtile qui s'en dégage. La rencontre de ces deux peuples se fera par les gestes et les regards, les perceptions olfactives et leur rapport à la nature. En témoignent de nombreux plans dans les herbes hautes que viennent caresser nos acteurs, une caméra s'égarant dans la cime des arbres ou des travellings le long des rivières. Si les européens de l'époque s'estiment civilisés, ils ont déjà perdu le sens des choses essentielles de la vie. Ce film aurait pu tomber dans la mièvrerie, mais il n'en est rien, tout est transcrit de manière sensible et directe, dure parfois, nous sommes en immersion au milieu de ces amérindiens, Malick cherchant constamment à retranscrire leur mode de vie de la manière la plus authentique possible. Un film résolument beau, contemplatif et magnifiquement agrémenté par la voix-off de Christopher Plummer dont le timbre et la prestance sont garants d'une œuvre profonde et de grande qualité.
Si Malick nous émerveille et magnifie l'instant, c'est pour mieux nous indigner par la suite, quand le calme est subitement rompu par des scènes de violences barbares. Mais le réalisateur est un esthète pudique, nous épargnant quelconque effusion superflue qui aurait entaché la toile. L'équilibre relationnel des deux mondes ne tient qu'à peu de choses, l'alchimie entre Colin Farrell et cette jeune actrice incarnant Pocahontas, qu'il convient de préserver à tout prix. On sera peut-être moins captivé par la seconde partie, celle de "l'éducation occidentale" de la jeune amérindienne. On ne sait pas vraiment si elle apprend ou elle désapprend, échangeant, malgré elle, le fougueux Farrell pour un Christian Bale plus terre à terre. Inversant les rôles dans notre monde, Malick insiste sur les contrastes et l'absurdité du nôtre. Dans les jardins du roi, les arbres sont taillés à la serpe, en cônes ou en rectangles, le gazon bien tondu et les animaux en cage, privés de leur liberté, alors que notre couple, lui, retrouvera la sienne.