La grande lessive

Soyons clair, "Le pacha" n'est pas un grand polar.
En revanche, le film de Georges Lautner marque un tournant dans le traitement du genre par le cinéma français (avec une violence nettement plus frontale), et cumule plusieurs atouts qui finissent par lui conférer une petite aura mythique :
- la musique de Serge Gainsbourg - les percussions du "Requiem pour un con" rythmant le récit dès le générique d'ouverture - couplée au caméo du chanteur-compositeur, lequel croise Gabin dans un studio d'enregistrement.
- les dialogues affûtés de Michel Audiard : c'est ici que l'on peut entendre la fameuse réplique : "Le jour où on mettra les cons sur orbite, t'as pas fini de tourner!"
- la voix-off introductive de Gabin sera reprise en ouverture du morceau "Mes 2 amours" du rappeur MC Jean Gab'1.
- les flics circulent dans une incroyable bagnole bleue aux lignes futuristes, la Matra 530, qui incarne bien la confrontation entre tradition et modernité mise en évidence dans le film (avec en point d'orgue la visite de Gabin dans une boîte branchée, où il croise des beatniks défoncés -l'occasion pour Lautner de proposer quelques plans psychédéliques des danseuses).

Hormis ces quelques maladresses/fautes de goût, "Le pacha" bénéficie d'une mise en scène soignée, à l'image de la photo très agréable aux tons froids, en harmonie avec l'hiver parisien et sa banlieue enneigée.
Malgré les bons mots d'Audiard, on est loin de la comédie de gangsters encore en vogue peu de temps auparavant : le code de l'honneur des voyous n'existe plus et les morts s'accumulent.
Du coup, la police durcit ses méthodes, pour aboutir à la grande lessive finale, conférant au "Pacha" un aspect vigilante movie avant l'heure.

C'est vraiment le scénario, trop linéaire et souffrant de facilités narratives, qui limite le film de Lautner au statut de bon petit polar de série, confirmé par la durée ramassée du métrage (1H20 hors générique).