Bientôt emporté par la révolution française devenue terreur, le Marquis Thomas d’Apcher (Jacques Perrin/Jérémie Renier), à la lueur d’une bougie - alors que grondent les clameurs d’une foule assoiffée de sang et de vengeance - se rappelle sa jeunesse en Gévaudan. Sous sa plume délicate d’homme lettré, il se remémore sa rencontre avec le chevalier Grégoire De Fronsac (Samuel Le Bihan) - naturaliste de Louis XV - et Mani (Mark Dacascos), un Indien Mohawk, son compagnon de route et ami d'Amérique. Mandaté par le Roi pour mettre fin aux agissements d’une bête qui sème terreur et mort dans le diocèse de Mende, sur la lande Languedocienne, Fronsac est bientôt confronté à l’hostilité de la noblesse locale. Le splendide prologue empreint de nostalgie, celle d’un homme qui se souvient, laisse place à l’une des plus belle ouverture que le cinéma des années 2000, nous ait donné de voir - l'envoûtante partition de Joseph LoDuca et la narration suave de Jacques Perrin - vont entraîner le spectateur aux travers de paysages aussi sauvages que magnifiques, pour ce qui est à ce jour, l’une des plus impressionnantes superproductions française. Le folklore autour de la légende de la bête du Gévaudan sera pour Christophe Gans - l’ex rédac-chef du feu magazine Starfix - le prétexte pour user de tout son talent de réalisateur. A la manière d’un Tarantino à la française, le réalisateur de “Necronomicon” et “Crying Freeman”, en passionné de cinéma européen, américain, asiatique, aimant aussi bien le fantastique, le polar, les arts-martiaux que l’aventure - il fût d’ailleurs, un temps, pressenti pour adapter une préquelle de “20.000 lieues sous les mers” et donner vie à la BD “Rahan” - va s’amuser à mélanger les styles et les genres. En convoquant pour la seconde fois l’acteur Mark Dacascos (“Crying Freeman), Christophe Gans va apporter une touche d’exotisme complètement inattendu, en parfait décalage avec le récit ancré dans la France rurale du 18e siècle. Les peintures corporelles et les chorégraphies de combats - à mains nues ou au bâton - qu’apportent avec lui l’acteur hawaïen, comptent parmi les séquences cultes du long-métrage et confère au film un côté anachronique du plus bel effet. Quant aux assauts de la bête, Gans, à la manière de Spielberg pour “Les dents de la mer”, jouera l’économie. Il ne dévoilera que des bribes - jusqu’à la confrontation ultime - dans ce qui est une libre interprétation de l’histoire. N’oublions pas qu’il s’agit là d’un mythe, qui perdure dans l’imaginaire collectif depuis des siècles, laissant ainsi la place à toutes les hypothèses. Avec son casting d’aristos - Jean Yann, Emilie Dequenne, Jérémie Renier, Edith Scob, Bernard Farci… et ses personnages à l’aura énigmatique - Vincent Cassel, Monica Bellucci, Jean-François Stévenin et philippe Nahon - Christophe Gans nous ouvre les portes d’un univers dans lequel, la toute puissante église Catholique - à travers cette malédiction soit-disante divine qui afflige la région - peut asseoir son pouvoir sur la population. Entretenu par des sermons - sonnant comme des avertissements - par le Père Henri Sardis (J-F Stevenin) - que le scénario décrit comme un faux-prophète - le Gévaudan s’enfonce inexorablement dans la peur. Avec son récit baigné de superstitions, parcouru par des paysages splendides, “Le Pacte des loups” arbitre le combat du rationnel - les connaissances et la science de Grégoire de Fronsac, contre l’irrationnel - les légendes et fantasmes autour de la bête - dans un siècle en plein bouleversement qui voit dans les métropoles, le combat des “Lumières” contre l’obscurantisme. Pour l’heure, en Gévaudan - loin des considérations sociales et philosophiques d’un monde en pleine mutation - dans ce petit bout de terre oublié, les hurlements de victimes agonisantes sous les cros acérés d'un monstre sanguinaire - qu’il fût avéré ou non - laisseront peu à peu place aux murmures d’une révolution, qui elle sera bien réelle et bien plus impitoyable.

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le 1 juin 2020

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