Adaptation d'un roman feuilleton d'Haycox, Le passage du canyon est brillamment réussi. Bien sûr, le passage du roman au film oblige à des changements, et certains éléments ne sont pas très creusés, mais quand même, c'est fidèle, que ce soit à l'intrigue ou à l'atmosphère, on ne saurait demander plus.

Un bon point pour ce film, c'est son casting, avec un Dana Andrews et une Susan Hayward certes efficaces, mais surtout avec un Ward Bond impressionnant qui a su retranscrire l'animalité de Bragg.

Avec tout ça, Le passage du canyon aurait pu rester un western parmi d'autres, s'il n'y avait la patte manifeste d'un maître, qui prouve qu'on aurait tort de réduire Tourneur aux productions Val Lewton, aussi sympathiques soient ces films. Car Le passage du canyon, c'est beau, avec ces paysages magnifiques, mais ça, c'est dans le cahier des charges pourrait-on dire. Ceci dit, la beauté des feuilles automnales lors des séances de poursuites transcende pas mal l'action. Mais surtout, il y a de l'élégance dans cette mise en scène, même un néophyte comme moi sait s'en rendre compte. Il y a des plans d'une évidente beauté, j'en veux pour preuve cet exemple du plan sur la coupe de l'arbre, qui révèle en tombant la foule assemblée pour aider à l'érection d'une maison : magnifique, tout simplement. C'est dans ces moments que Le passage du canyon se révèle, tout simplement, un grand film.

Ajoutons à cela les personnages, la manière dont ils se révèlent par les dialogues, par une attitude parfois : le personnage de Dana Andrews, en entrepreneur peu intéressé par l'argent, propriétaire insouciant de caravanes de mules, pourrait être ridicule si l'acteur n'y apportait sa tranquillité et son sourire nonchalant, et si le dialogue du début, transposé plus ou moins du roman, n'avait situé son caractère avec une très grande précision. C'est que Haycox était un maître dans le développement des personnages, et Tourneur ne se défend pas mal non plus, manifestement.

Et puis il y a la noirceur soudaine qui peut émerger de cet environnement qu'on jugeait si plaisant, comme tous ces sympathiques et pleutres voisins se révélant une foule cruelle dès lors qu'ils reniflent l'odeur du sang.

Oui, il y aurait beaucoup à dire sur Le passage du canyon, qui est un grand western, et un grand film.

BigDino

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