Horreur, malheur !
Après tant d’incertitudes et de reports de date dus à ce fichu virus qui joue au chamboultout avec le calendrier des sorties, on était vraiment sur le point de découvrir au cinéma Le Peuple Loup.
En effet, le film était daté par le distributeur Haut et Court au 16 décembre 2020. C’était sans compter l’annonce du second confinement, tombée le 30 octobre. Et voilà que le film se retrouve – comme bien d’autres – en streaming sur plateforme, en l’occurrence ici AppleTV [Edit : il semble que le film sorte finalement au cinéma, sur une combinaison relativement modérée, le 20 octobre 2021].
Quel dommage, car s’il y avait un film de ce début d’année à découvrir sur grand écran, c’était bien Le Peuple Loup !
D’abord parce que le film est une pure merveille visuelle : alors que les grands studios d’animation ont tendance à abandonner les techniques 2D au profit de 3D souvent hasardeuses (si vous ne l’avez pas encore vu, regardez la bande annonce d’Aya et la sorcière, le prochain film du fils Miyazaki, Goro de son prénom, venu introduire la technique 3D au sein du studio Ghibli : ça a tout bonnement l’apparence d’une mauvaise cinématique de jeu vidéo et ça piquouille franchement les yeux), quel plaisir de replonger dans une plastique 2D « à l’ancienne ».
D’autre part parce que l’intrigue mérite un dévouement total du spectateur, dans une salle obscure, loin de la tentation du portable et des distractions de salon.
Le Peuple Loup est le troisième volet d’un tryptique initié par son réalisateur Tomm Moore sur l’adaptation de légendes et de contes irlandais. Son premier film était Brendan et le Secret de Kells, sorti en 2009 ; puis Le chant de la mer, en 2014. Pour chacun, la magie et les superstitions ancestrales forment la base de l’histoire.
Nous suivons ici l’aventure de Robyn, une jeune fille de 11 ans, une citadine qui rêve d’aider son père, chasseur de loup, dont la mission est d’éradiquer la meute qui rôde dans la forêt environnante. Une meute qui protège le bois contre l’expansion de la ville. Tout bascule lorsque Robyn rencontre Mebh, petite fille étrange et farouche qui se transforme en louve lorsqu’elle s’assoupit.
Dangers de la déforestation et harmonie avec la nature, amitiés et loyauté, passage de l’enfance à l’âge adulte : autant de thèmes qui sont adroitement disséminés tout au long du film, et qui viennent agrémenter ce pur moment de magie.
Avec Le Peuple Loup, il semble que Tomm Moore ait définitivement trouvé SA patte inimitable en matière d’animation. On retrouve ici plusieurs motifs visuels qui étaient présents dès Brendan, son premier film : un goût certain pour les mosaïques et les représentations circulaires, des split screens de qualité qui apportent vraiment quelque chose au récit, des perspectives surprenantes qui défient nos yeux et les schémas visuels auxquels ils sont habitués.
Le film s’adresse aussi bien aux enfants qu’aux adultes. Pour avoir testé les deux versions et bien que la VF soit « écoutable », j’ai préféré sans l’ombre d’une hésitation la VO, pour les intonations aux accents délicieusement irlandais, et la voix reconnaissable entre toutes de Sean Bean à travers le personnage de Bill.
La musique n’est pas en reste puisque la partition musicale est signée Bruno Coulais, sans doute l’un des meilleurs compositeurs français actuel, qui avait déjà travaillé sur les deux précédents films de Tomm Moore, et qui arrive une nouvelle fois à retranscrire le folklore irlandais avec brio.
Le Peuple Loup est un pur régal, un film éminemment subtil où chaque séquence regorge d’inventivité pour laisser place avec justesse à l’émotion. Le film m’a littéralement scotché.
Et si vous l’avez aimé et ne connaissez pas les deux premiers volets de ces contes irlandais, ruez-vous sans tarder sur Brendan et le Secret de Kells et sur Le Chant de la mer.