Depuis que Cartoon Saloon a tenté la grande aventure du cinéma, on peut dire qu'il n'a pas manqué de créativité. Cette réussite passe d'abord par la singularité de ses chefs d'orchestre, parmi lesquels Tomm Moore. Désireux de revisiter le folklore irlandais pour mieux partager la richesse et les valeurs de sa contrée, Moore a tôt fait d'en reprendre les codes narratifs et visuels. Le style graphique de ses œuvres renvoyant directement aux enluminures (illustrations ornant les manuscrits ancestraux) ou encore aux fresques composant le vitrail des cathédrales. Sur le fond, les histoires adoptent la forme de contes initiatiques où ses héros coexistent avec les figures de la mythologie celtique (ici, la lycanthropie). Réalisé à deux ou quatre mains (Brendan et le secret de Kells coréalisé avec Nora Twomey, Le Peuple Loup avec Ross Stewart) ou non (Le Chant de la mer) la patte Moore est flagrante. Et c'est un bonheur.
J'ai eu presque l'impression d'arpenter un nouveau-monde de l'animation, tant le mélange entre pinceaux et outils de pointe parvient à donner une personnalité à cet univers. Refléter l'opposition de deux mondes avec les formes géométriques (le monde humain étant rêche et grisâtres là où la nature épouse des reliefs doux et colorés) est une idée aussi simple qu'astucieuse. Le récit traduit habilement les inquiétudes liées aux superstitions qui riment avec oppression, de la même manière qu'il aspire à une symbiose entre les espèces ainsi que le respect de toute forme de vie. Une absence de cynisme qui séduira petits et grands, surtout que cet idéalisme est moteur d'une aventure très rythmée et souvent bouleversante. 90 minutes où la poésie abroge les frontières pour transmettre un pan de culture irlandais. Le Peuple Loup confirme Tomm Moore (et Cartoon Saloon) en tant que fleuron de l'animation.