Le Pianiste par Gérard Rocher La Fête de l'Art

En septembre 1938, le jeune et célèbre pianiste Wadyslaw Spilman interprète une œuvre de Chopin en direct d'un studio de la radio polonaise. Au beau milieu de sa prestation, une bombe larguée par les allemands tombe non loin de là et la retransmission du concert est aussitôt interrompue. Ce n'est que le prélude de l'invasion de Varsovie par l'Allemagne, un mois plus tard. C'est alors que commencent les brimades à l'encontre des juifs. Les arrestations sont chaque jour plus nombreuses et la population juive est isolée dans un ghetto. Wadyslaw et sa famille arrivent tant bien que mal à échapper à cette oppression.
Peu de temps après débutent les déportations vers les camps, elles aussi de plus en plus massives. Par chance, le pianiste parvient encore à échapper à ce drame grâce à un membre de la police juive. Malheureusement, sa famille sera déportée dans un camp. Wadyslaw arrive malgrétout à trouver un travail et parvient à survivre au milieu de ce désastre. Mourant de faim et humiliés, les habitants du ghetto s'insurgent mais la révolte est vite châtiée par l'armée allemande.
Quant à Wadyslaw, se trouvant non loin des lieux de l'insurrection finit par se faire repérer.


De nouveau il est dans l'obligation de fuir. Errant dans un champ de ruines, faible, affamé et rongé par la peine, il se réfugie dans un immeuble délabré dans lequel un officier allemand le découvre. Par chance, celui-ci, grand mélomane, demande au pianiste de lui interpréter un morceau. Grâce à la beauté de la musique, le courant va passer entre les deux hommes et l'officier cache Wadyslaw jusqu'à la fin du conflit. L'horizon se dégage enfin. Toutefois le virtuose ne pourra sauver la vie de l'officier mélomane à qui il doit d'être encore vivant.


Ce merveilleux film de Roman Polanski est avant tout bouleversant, dur et poignant. Il l'est d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'une fiction mais d'une honteuse réalité historique. Il est également un sujet de réflexion, malheureusement toujours d'actualité: quel démon, quelles forces du mal peuvent pousser l'espèce humaine à atteindre de telles extrémités dans le domaine de l'horreur et de la barbarie. Comment un peuple peut-il arriver à se faire manipuler au point de se découvrir un tel sentiment de haine envers d'autres communautés jusqu'à vouloir uniformiser la race humaine à sa propre image? Le monde a toujours été instable, et de tout temps la barbarie a accompli son œuvre funeste par l'intermédiaire de dictateurs de tous bords soi-disant idéologues et idéalistes, ceux-ci profitant de la crédulité et s'appuyant sur le fanatisme de certains pour soulever des nations contre d'autres et prêchant par la même occasion l'intolérance en niant le droit à la différence. Cette œuvre illustre parfaitement, par ses scènes terrifiantes, les dégâts irrémédiables causés au nom des idées et des origines ethniques et culturelles.
Chacun croit détenir SA vérité sans écouter les arguments de L'AUTRE. Le film nous apporte un signe d'optimisme par la rencontre du pianiste et de l'officier allemand qui, au -delà des différences et de cette dramatique période, vont pactiser grâce au trait d'union que leur offre la musique, abolisant les différences par son universalité.


Ce film est réalisée avec beaucoup de tact, en évitant les clichés qui souvent en pareil sujet font légion. Le déroulement de ce drame nous emmène naturellement au gré des évènements, tel un documentaire, sur cette douloureuse période. Adrien Brody est fort crédible et franchement touchant dans sa simplicité et son naturel. Il porte sur son visage et par son attitude toute la misère du monde dans lequel il vit, tout en restant digne et humain. Il est fort bien entouré au niveau des acteurs, tous émouvants et sincères. Et puis il y a cette musique qui au travers des différences, au travers des atrocités, fait, par sa puissance et sa splendeur, l'unanimité.


Certains esprits chagrins critiquent la mise en scène de cette réalisation lui reprochant un aspect de" grand spectacle hollywoodien". Je réponds à ceux-ci que rien n'est de trop pour dénoncer pareil carnage, quelque soit les moyens techniques ou financiers utilisés. Nos "grands hommes" ont beau claironner: "Plus jamais çà!", mais que font-ils pour éviter que de telles catastrophes puissent se reproduire? L'argent utilisé pour réaliser pareil film dénonçant les idéologies fanatiques conduisant aux génocides n'est rien par rapport avec les sommes colossales dépensées sans compter pour entretenir ces genres de conflits de par le monde et mettre en péril l'humanité entière.


En tout cas, j'adresse un grand merci à Monsieur Roman Polanski pour avoir ravivé certaines mémoires et produit, selon moi, son film le plus personnel.


Ce film a obtenu la Palme d'or au Festival de Cannes 2002

Grard-Rocher
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le 16 nov. 2013

Modifiée

le 31 mars 2013

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