Une bande de bras cassés des bas quartiers de Rome entreprend de dévaliser le Mont-de-Piété mais leur nullité ne va pas faciliter l'opération."Le pigeon" est incontestablement un bon film mais il est en général largement surcoté.La réalisation de Mario Monicelli,un des grands de la comédie italienne,n'est pas à mettre en cause car sa façon de filmer frise la perfection.S'appuyant sur une superbe photo noir et blanc,il enchaîne en souplesse des plans merveilleux à la grammaire cinématographique très maîtrisée.Des panoramiques planants,des travellings précis,des plongées estomaquantes,des profondeurs de champ stupéfiantes,des recherches d'angles magiques et sophistiquées vont fouiller en profondeur l'environnement des laissés pour compte de l'Italie des fifties à travers l'exploration des rues misérables,des appartements sordides,des arrière-cours crasseuses et des coursives déprimantes,car le décor,support de la critique sociale,est un élément majeur du film.Ce sont plutôt le scénario et les dialogues qui pêchent,bien qu'ils soient l'oeuvre d'un quatuor d'auteurs de haut niveau.Il y a là Monicelli lui-même,mais aussi le mythique duo Age et Scarpelli,ainsi que Suso Cecchi d'Amico,laquelle a écrit entre autre pour De Sica,Antonioni ,Visconti,Comencini,Rosi ou Bolognini,rien que ça.Et pourtant leur script se révèle assez laborieux,ne trouvant pas souvent l'équilibre entre comédie et tragédie et entre humour et guignolade,ce que n'arrange pas une musique joyeuse de kermesse.On sent une profonde empathie pour ce petit peuple italien,pour ces truands minables et malchanceux,et derrière la farce tonitruante se dessine en filigrane une analyse plus fine des vies de ces ratés plus bêtes que méchants.Ils cachent tous au-delà des crânes apparences des fêlures intimes et des faiblesses qu'ils veulent taire.Mario prétend vivre avec sa mère,dont il parle tout le temps,alors qu'il a été élevé dans un orphelinat.Peppe,sous ses dehors de dragueur hâbleur sûr de lui,tombe amoureux de la petite bonne qu'il devait séduire par intérêt,la fille tentant de dissimuler sa condition de domestique en se prétendant la nièce de ses employeuses.Tiberio est en plein désarroi alors qu'il est fauché et doit s'occuper de son bébé pendant que sa femme est emprisonnée.Carmelina est séquestrée par son frère,un sicilien arriéré qui tente de compenser son déracinement en perpétuant les coutumes ancestrales de sa région.Quant à Cosimo,c'est un vieux voleur au bout du rouleau qui tombe dans des coups de plus en plus pathétiques.Le tableau dressé est finalement très sombre et il n'était pas malhabile de l'adoucir à travers le prisme de l'humour,c'est d'ailleurs le propre de la comédie italienne.Hélas l'histoire se traîne un peu et il y a un gros problème de dosage dans le ton du film.Hormis lors des scènes finales du casse,qui sont franchement désopilantes avec les bourdes à répétition des pieds nickelés dépassés par les évènements et la poisse,l'ambiance est aux gags outranciers et aux personnages folklos et caricaturaux,les scénaristes ayant un peu trop forcé sur la truculence,les gesticulations excessives et le bavardage cabotin.Encore heureux que l'ensemble soit soutenu par un casting de folie qui réunit Vittorio Gassman en boxeur raté,Marcello Mastroianni en photographe ruiné,Renato Salvatori en chômeur amoureux,Carla Gravina en bonniche à la cuisse légère et Claudia Cardinale en beauté enfermée,avec en guest star l'immense Toto en spécialiste de l'ouverture de coffres-forts.Les autres comédiens sont moins connus mais cependant fameux,de Memmo Carotenuto en récidiviste fin connaisseur du Code Pénal à Carlo Pisacane en vieil arnaqueur perpétuellement affamé en passant par Tiberio Murgia en sicilien ombrageux et Rosanna Rory en femme fatale fatiguée.