Klouk, vendeur de bagnoles peu enthousiaste, est missionné par son salaud de patron pour livrer séance tenant une voiture à un gros con de bourgeois au fin fond de la France. Un ami et deux gugusses rencontrés au hasard se greffent miraculeusement à son voyage, pour notre plus grand plaisir. Une trame concise et efficace qui sera le prétexte aux situations les plus loufoques et à des dialogues savoureux et largement improvisés.
Le film tient avant tout grâce au talent de ses quatre acteurs principaux, dont les caractères plus vrais que nature se complètent à merveille. Ils communient tous dans leurs situations amoureuses compliquées : ruptures en cours, ménage brinquebalant… nos quatre jeunes hommes sont très à l'aise avec les grivoiseries, un peu moins quand il s'agit d'entretenir des relations amoureuses. Ils vont discourir sur le sexe tout le long du film mais sans jamais tomber dans l'amertume ou le ressentiment envers les femmes. En effet, on sent que ce sont d'éternels amoureux de l'autre sexe, aucune misogynie ne transparaît. Trop pudiques pour étaler leurs sentiments, ils préfèrent simplement user de gauloiserie pour communiquer.
Le film est tout à fait dans l'air du temps. La libération sexuelle est passée par là, ce qui a semé l'euphorie de la liberté, mais aussi des situations instables, des liens qui se distendent entre les deux sexes, des séparations. On pense à Calmos de Bertrand Blier, sorti deux mois plus tôt, où des hommes quittent une société trop féminisée pour rester entre eux et manger de la charcutaille. On pense aussi aux Valseuses, avec la déambulation de marginaux libidineux dans une société étriquée, petite-bourgeoise, guindée et trop sage, aux films de Joël Séria ou de Marco Ferreri, qui dépeignent le changement de société avec le meilleur (la nouvelle liberté) comme le pire (l'éclatement des liens, l'économisme). Ces films, un peu osés pour l'époque (il fallait choquer le bourgeois pour l'éveiller politiquement), nous replongent avec nostalgie dans la France d'antan, où la société est en train de changer et où l'autorité devient de moins en moins supportable. Le cas de Klouk est emblématique à ce sujet : pressuré par son patron, humilié par un gros client mais obligé de travailler, il se contient et trouve un échappatoire dans son nouveau groupe d'amis.
Un beau film sur l'amitié masculine et le besoin de liberté. On a plaisir à accompagner ces personnages, même si tout le monde n'aimerait pas forcément faire partie de l'équipée et supporter ces gamineries.