Le poirier sauvage vient conclure mon exploration du cinéma de Nuri Bilge Ceylan. Et je trouve qu'il n'est jamais plus beau que lorsque qu'il s'étale, qu'il prend le temps de construire (et de déconstruire) ses personnages, de nous faire explorer leur esprit, leur mode de fonctionnement, la complexité de leurs relations.
Ici, comme dans Winter Sleep, ils sont un prétexte à quelque chose de plus grand, de plus philosophique. Ceylan (s'?) interroge sur la perception du réel. À travers l'œil de l'artiste ou celui du religieux. Il articule ce questionnement à une réflexion sur la modernité et la tradition, ce qui donne lieu à de longs dialogues absolument passionnants. D'ailleurs j'ai l'impression que c'est son film le plus bavard, même s'il garde ce sens d'appuyer les silences.
Dans la première partie du film, il y a une scène, vraiment longue, où notre personnage principal échange avec une femme. C'est une scène absolument magnifique dont la longueur permet à Ceylan d'exposer toute la réflexion qu'il développera par la suite, en faisant évoluer lentement le rapport entre les personnages et la perception du réel qui les entoure. Le tout en abordant la religion, l'art et le rapport au futur. Un bijou de mise en scène et d'écriture.
Et la perception du réel, notre personnage va le prendre en pleine face avec une scène de fin des plus bouleversante, venant remettre en question toutes les certitudes qu'il avait entretenues pendant les 2h45 précédentes. C'est brut, la scène dure pour bien capturer cette prise de conscience chez lui et elle vient marquer le pic émotionnel du film.
C'est un grand film, dans lequel Ceylan perfectionne sa mise en scène notamment en innovant sur le montage. Les 3 heures passent en un clin d'œil. À mon avis son meilleur film. À voir absolument en tout cas.
(Critique écrite en novembre 2020.)