Le film de David Lean est tiré du roman du même nom de Pierre Boulle qu'il a tiré de son séjour d'agent français en Asie du Sud-Est pendant la guerre. Pour mémoire, Pierre Boulle est mondialement connu pour son roman "La planète des singes".
Si la construction de la voie ferrée qui devait relier la Birmanie à la côte thaïlandaise, surnommée "la voie ferrée de la mort", ainsi que le fameux pont ont bien existé, en revanche, les personnages du roman (puis du film) sont de pure fiction. Le pont fut l'objet de bombardements de la part des alliés causant des morts de prisonniers supplémentaires au-delà des morts déjà liées à des conditions de détention très dures.
Le film est nettement plus romancé que le roman. N'existent pas dans le roman, par exemple, les petites amourettes entre Shears et l'infirmière au bord de la plage et Shears ne s'est jamais évadé du camp japonais. Mais ces petites différences donnent une petite note finalement comique assez astucieuse car elle oppose ainsi le comportement décontracté d'un américain au formalisme compassé des britanniques.
Tout ceci n'est que détails, importants certes, face au sujet central qui est le personnage du Colonel britannique Nicholson qui se trouve devant un dilemme face au Colonel japonais Saïto. Doit-il faire de la résistance passive de sorte à ne pas favoriser les projets de l'armée japonaise et qui correspond à l'avis du plus grand nombre ? Ou au contraire, doit-il, au nom de je ne sais quelle mission "civilisatrice" qu'il a pu pratiquer en Inde, montrer au Colonel Saïto une possible supériorité de la race blanche "occidentale" face à un peuple japonais guerrier mais, au fond, peu évolué. La logique civilisatrice l'emportera mais enfermera Nicholson dans un piège où il perd de vue l'essentiel, c'est que, au-delà du camp de prisonniers et du désir d'occuper ses troupes, il oublie que les deux peuples restent en guerre. En temps normal, le colonel Nicholson aurait dû avoir du mal à convaincre ses officiers et la troupe mais sa résistance – héroïque et obstinée - face au colonel Saïto pour faire valoir ses droits ou les droits des prisonniers, emportera l'adhésion de tous (sauf du médecin major, pas dupe). On est bien dans un cas de résistance caractérisé. Il est bien logique qu'une fois les droits rétablis, Nicholson retrouve son autorité et sa crédibilité face à ses troupes.
Du point de vue casting, Alec Guinness tient probablement le rôle de sa vie en habitant le personnage de Nicholson. Il y est convaincant dans sa rigidité militaire et son aveuglement.
Le rôle du colonel Saïto est tenu par le vieil acteur japonais Sessue Hayakawa, ancienne grande vedette du muet. Lui aussi, le personnage montre une rigidité militaire. Tiraillé par sa haine des britanniques et son devoir de réussir le projet de voie de chemin de fer, il va falloir qu'il mange son chapeau devant les exigences de Nicholson.
Le rôle de Shears est assuré par un William Holden, roublard et séduisant.
La mise en scène de David Lean tire magnifiquement profit du scope et du technicolor pour filmer les scènes de jungle ou de la vallée de la rivière Kwaï même si le film fut tourné à Ceylan.
La BO est tout aussi remarquable et tout le monde a retenu le fameux air sifflé par la troupe britannqiue.
En bref, "le pont de la rivière Kwaï" est un grand film passionnant dont on ne voit pas passer les 160 minutes.