[Remarques générales. Je n'ai pas envie de juger et noter des films que je n'ai vus qu'une fois, souvent avec peu de connaissance du contexte de production. Je note donc 5 par défaut, et 10 ou 1 en cas de coup de cœur ou si le film m'a particulièrement énervé. Ma « critique » liste et analyse plutôt les éléments qui m'ont (dé)plu, interpellé, fait réfléchir, ému, etc. Attention, tout ceci sans égard pour les spoilers !]
Je rejoins totalement mon ami Tom, qui dans sa critique du Portrait interdit met l'accent sur la frustration : frustration des personnages (notamment de l'impératrice, frustrée tant dans son envie de plaire à l'empereur que dans son désir naissant pour le peintre jésuite), et sa propre frustration, que j'ai partagée, face à une intrigue qui stagne. Je précise que j'ai apprécié cette frustration, que le réalisateur (Charles de Meaux) cherche très vraisemblablement à provoquer.
M'intéressant depuis quelques temps à la représentation de la peinture et de l'acte de peindre au cinéma, j'y étais particulièrement attentif en allant voir ce film. J'ai rapidement pu me concentrer sur autre chose : les pinceaux en action ne sont que très peu filmés, et quand c'est le cas avec la facilité du gros plan, et effet ou sans mise en scène.
J'ai dans un premier temps eu beaucoup de mal avec la musique. En effet, c'est le plus souvent la musique seule qui suggère, l'angoisse, la tension, la menace. Bon, j'exagère un peu, les dialogues y participent aussi souvent - mais jamais la photographie ou la scénographie (qui ne sont pas négligées pour autant ; pour la première je me souviens par exemple d'un plan sur le visage de l'impératrice (Fan Bingbing) avec une focale très courte, si bien que son manteau est flou lorsque son visage est net ; pour la seconde je pense aux nombreux plans larges avec des compositions en diagonale). Des scènes qui en son naturel seraient sans doute un peu plates sont ici appuyées par une musique off appuyée, et incongrue puisque moderne et occidentale dans son instrumentation. Au début du film, donc, j'ai trouvé ce procédé dérangeant. Et puis j'ai fini par trouver l'idée intéressante, et par me laisser faire.
J'ai bien aimé aussi le choix fait en matière de réalisme. Le faste de la cour de l'empereur se suffit à lui-même, et la mise en scène ne vient pas l'amplifier comme on le voit souvent. Ainsi les serviteurs s'efforcent-ils de faire une belle ligne, mais ils ne sont ni statuaires, ni tous identiques.
Et je me suis dit à la fin du film que le choix des scènes avec quelque chose d'étrange, et le parti est intéressant : on comprend très bien que le désir croît entre l'impératrice et le jésuite (Melvil Poupaud), naissant du regard que le second porte des heures durant sur la première, pour la peindre. Mais cela n'est jamais montré, ou souligné par la réalisation. L'impératrice est montrée comme généralement désirable (beaucoup de gros plans sur son visage, par exemple), et le jésuite dans une moindre mesure. Mais c'est presque exclusivement à travers les dialogues, l'un en l'absence de l'autre, que cette relation frustrée existe.
En revanche, je n'aime pas du tout le style de jeu des comédien.ne.s, en fait le style de jouer les dialogues : des dialogues au côté artificiel assumé, dits quasiment dans un murmure (un peu comme on a spontanément tendance à parler dans un micro ou un studio d'enregistrement). C'est un mode de jeu qu'on retrouve typiquement dans des films français « intellectuels », et qui très souvent me déplaît (en raison de son artificialité). Bonne nouvelle, dans Le Portrait interdit, on parle surtout chinois (belle performance au passage de Melvil Poupaud), et faute d'habitude et de prisme de lecture du jeu en chinois, l'effet est désamorcé. Ouf !