Probablement l'une des oeuvres les plus brillantes et les plus subversives du cinéma français, cet étrange et philosophique objet filmique offre une parfaite photographie des questionnements existentiels de notre époque: la place de l'homme dans la société, l'apparence, la famille, le totalitarisme, pour n'en citer que quelques uns. Sans dévoiler l'intrigue (chose difficile), on apprécie l'immense casting, et peut-être le jeu d'acteur le plus réussi de la carrière de Patrick Bruel. Ensuite, le sujet principal du film soulève une véritable question: peut-on donner à son fils le prénom d'un tyran, d'un des plus grands criminels de l'Histoire? N'offre-t-on pas à ce criminel l'éminence qu'il ne mérite pas en lui laissant le monopole du prénom? Autant d'arguments plaident en faveur du personnage principal qu'en sa défaveur, et tous sont d'une pertinence relative; tous méritent, en effet, les plus grands égards, car tous sont justes. Le débat transcende la simple question du prénom, et épouse d'autres problématiques. Par exemple, l'image que l'on renvoie à la société, ou que l'on veut projeter dans notre progéniture, sera inéluctablement abordée, comme le prolongement de ce choix onomastique.
Plus qu'une magistrale pièce de théâtre, Le prénom est un miroir dressé face à nous: y sont grossis les traits d'une société soucieuse de son image, guidée par ses instincts politiques, et acculée dans ses propres limites.
Après une demi-heure de facéties et de joyeusetés (entamées par une excellente séquence introductive aux multiples références, parmi lesquelles on retiendra Amélie Poulain), la tension dramatique progressivement amplifiée, dans une sobriété scénique et musicale qui recentrent l'attention (et la tension) sur les personnages principaux (ici, TOUS les personnages, en fait). Vraiment, ce film, par sa transgression et par la qualité remarquable des dialogues (des moments de bravoure dans certaines reparties), mérité absolument d'être vu. C'est un monument du cinéma français.