Le film de Verneuil réalisé en 1961 s'appuie sur un roman de Simenon (que je n'ai pas encore trouvé et lu) (*) écrit lui en 1957. Ce sont les tous débuts de la Vème république.
Par contre, le scénario fictif se base sur un épisode qui se situe pendant la IIIème république, dans l'entre-deux-guerres, où un président du conseil, Beaufort, jette l'éponge à l'assemblée et se retire dans sa campagne, semble-t-il dans l'Eure. On le revoit une quinzaine d'années plus tard.
Le scénario s'accompagne de dialogues comme toujours incisifs de Michel Audiard qui s'en donne à cœur joie, notamment, dans les joutes oratoires à l'assemblée.
L'idée très intéressante du scénario est la présentation à l'assemblée d'un projet d'union douanière qui ne se fera pas pour de multiples raisons. L'idée sous-jacente est qu'il aura fallu une deuxième guerre mondiale meurtrière pour qu'enfin les européens prennent la mesure du problème et acceptent d'avancer dans l'idée européenne, seule garante de la paix. Que certains voudraient détricoter maintenant que les souvenirs lointains des conflits meurtriers s'estompent (malheureusement).
Le casting du fil est à la hauteur de l'ambition du scénario et de Verneuil.
Jean Gabin dans le rôle du président du conseil, Emile Beaufort, "n'ayant eu qu'une seule maîtresse, la France", d'une honnêteté scrupuleuse dans les affaires financières mais têtu comme c'est pas permis et ayant la rancune tenace. C'est l'acteur qui convient bien avec la gouaille de l'homme "rustre peut-être mais certainement intelligent".
Pour trouver une correspondance avec les présidents du conseil de l'entre deux guerres, les spécialistes ont l'air de considérer que Beaufort serait une synthèse de Clémenceau (pour la gouaille et l'anticléricalisme) et Briand (pour les idées pacifistes).
Face à lui, le chef de cabinet Chalamont est joué par un Bernard Blier qui perd ses cheveux dans le laps de temps de quinze ans du film. Il joue le rôle du jeune politicien brillant (au sortir de l'école et d'un mariage riche), ambitieux (rien ne lui résiste) mais qui trébuche salement.
Face à Jean Gabin, aussi, une très convaincante Renée Faure, dans le rôle de Mademoiselle Milleran , secrétaire de Jean Gabin.
La distribution contient un nombre important de seconds rôles qui jouent tous très bien leur partie et apportent au film la crédibilité et un certain second degré. Côté politiciens ou du pouvoir, Henri Crémieux, Louis Seigner, Balpêtré. Côté peuple pour faire simple, Jacques Marin, Pierre Larquey en vieil agriculteur, Alfred Adam en chauffeur et compagnon de marche de Gabin, ...
Un film passionnant de Verneuil avec des acteurs fascinants et qu'on n'est pas prêts d'oublier.
(*) :cette critique a été écrite en novembre 2021 ; depuis, contrairement à ce qui est écrit, j'ai trouvé le livre et ai écrit une critique sur le roman de Simenon