Sans la nommer, le film de Verneuil, d'après Simenon, reflète le visage de la Troisième République, et c'est son principal intérêt. Critique jusqu'à la caricature, le film est un pamphlet dont la cible principale est la députation, tellement décriée à l'époque pour son impuissance et son inefficacité.
Au cours d'une fameuse et spectaculaire scène où il affronte l'Assemblée qui s'apprête à le censurer, le Président (du Conseil) dénonce l'affairisme des parlementaires, représentant les lobbies plus que le peuple, nous dit-on. Le discours est manichéen qui oppose l'intégrité d'un homme politique par vocation à une bande de politiciens de métier, tous administrateurs, semble-t-il, d'une banque ou d'une multinationale. Toutefois, tant de vertu en la personne du Président, tout Gabin qu'il est, peut laisser incrédule, sauf à considérer que le personnage est une abstraction de l'honnêteté et de la conscience du devoir.
Jean Gabin incarne un président du Conseil façon Michel Audiard, c'est-à-dire avec le sens de la formule et un bon sens aux accents populistes ou poujadistes. Cette figure politique manque sans doute de nuances et le récit de subtilité. Dans les coulisses du pouvoir -que le Président, du fond de sa retraite, dévoile dans ses mémoires- on croise des personnalités de la République, un peu typées certes mais pas sans charisme.