Un an avant le cultissime "Un singe en hiver", le trio Henri Verneuil (réalisateur) - Michel Audiard (dialoguiste) - Jean Gabin (acteur principal) s'était déjà constitué sur le tournage du "Président", l'une des rares tentatives en France de "politique-fiction".
Une initiative aussi audacieuse que pertinente : "Le président" constitue une très belle réussite, la charge cinglante contre les mœurs politiques de l'époque restant tristement d'actualité un demi-siècle plus tard.
La force du film réside dans son authenticité, à mi-chemin entre fiction et documentaire, et dans l'interprétation habitée d'un Gabin aux accents gaulliens, vieux patriarche droit et respectueux des intérêts publics, à rebours du clientélisme de ses rivaux, dénoncé dans une tirade finale grandiloquente.
Les thèmes du débat politique de l'époque trouvent un écho contemporain assez fascinant, à l'instar de ces "Etats-Unis" d'Europe en construction, à l'heure où des voix se multiplient aujourd'hui pour défendre la souveraineté nationale...
Face à la prestation hors-norme de Jean Gabin (vieilli pour l'occasion), qui s'inspira pour son personnage de discours de Georges Clémenceau et Léon Blum, les seconds rôles se montrent au diapason, à l'image de l'excellent Bernard Blier en opposant veule et ambigu, ou encore des remarquables Louis Seigner, Henri Crémieux et Renée Faure...
Henri Verneuil signe donc un véritable classique du cinéma français, point de vue acerbe mais non manichéen sur le monde politique, sublimé par une mise en scène précise et inspirée, ainsi que par les dialogues au cordeau de Michel Audiard, dont la langue flamboyante trouve avec "Le Président" l'un de ses plus beaux écrins.