Le titre peut prêter à confusion, l'action ne se déroulant qu'à la fin du film sur le rocher de la baie de San Francisco.
Le Prisonnier d'Alcatraz est un film américain de John Frankenheimer sorti en 1962. Il relate, de façon romancée, la vie en prison de Robert Stroud condamné à perpétuité pour le meurtre de deux personnes. Burt Lancaster qui campe le rôle de Stroud nous offre une interprétation d'une intensité rare.
Nous voyons changer le détenu au fil des années passées en prison, physiquement bien sûr, mais surtout moralement. A son arrivée, il se montre froid, distant, agressif. Il n'y a qu'une personne qu'il aime profondément : sa mère. Un gardien lui rend parfois quelques petits services mais en échange ne reçoit qu'indifférence, voire du mépris. Une très belle scène en découle où le gardien lui fait comprendre qu'un minimum de reconnaissance lui ferait plaisir. Stroud reste silencieux puis lui présente ses excuses. Son comportement à l'égard de son entourage va commencer à changer.
Un jour de promenade dans la cour de la prison, il recueille un oisillon qu'il va soigner, nourrir et apprivoiser. Un événement qui peut paraître anodin mais qui pour lui sera désormais sa raison de vivre. D'autres oiseaux vont lui être offerts et il va développer une véritable passion pour eux. Il va s'enrichir à leur contact, lire, étudier, s'instruire pour créer des médicaments afin de les soigner. Il rédigera un livre qui deviendra une référence en ornithologie. Il devient un scientifique respecté. C'est pour lui une échappatoire à l'isolement, une "évasion mentale". Sa cellule sera bientôt envahie par des dizaines de cages d'oiseaux qu'il construit lui-même, on se sent oppressé par le manque de place mais lui non. Des cages à l'intérieur d'une cellule, une jolie métaphore pour évoquer le double enfermement. Mais lui semble "se libérer" de tout son passé.
Une deuxième "évasion "va se mettre en place progressivement. Sa mère a un amour inconditionnel pour lui et réciproquement. Il tuera un gardien, son deuxième meurtre, car celui-ci l'avait privé d'une visite de sa mère. C'est elle qui lui évitera la peine de mort en plaidant sa cause auprès de la femme du Président. Mais cet amour exclusif va se heurter à la venue d'une autre femme, qui elle aussi va aider Stroud et lui apporter tout son soutien. Ce qui poussera sa mère à émettre de violentes critiques envers cette "ennemie" qui semble vouloir prendre sa place auprès de son fils.
Continuer à s'occuper seule de son fils lui apporte à elle aussi une raison de vivre. Il doit dépendre uniquement d'elle. Face à ce comportement incompréhensible. Il finira par la rejeter et ira jusqu'à brûler sa photo à laquelle il tenait tant. L'image de la mère disparaît.
Ce film nous présente également toute la complexité d'une situation au sein du milieu carcéral américain. La confrontation entre Burt Lancaster et Karl Malden, qui interpréte le directeur de prison, met en évidence l'échec de la réhabilitation qui a pour conséquence un fort pourcentage de récidives. Le réalisateur nous laisse libre d'éprouver de la sympathie ou non pour l'un ou l'autre des protagonistes. D'un côté, un directeur de prison qui applique strictement la loi, ce qui détruit toute individualité chez les détenus. De l'autre, un homme condamné à perpétuité pour deux meurtres et qui ne semble éprouver aucun regret. Il trouvera pourtant une nouvelle raison de vivre en s'attachant à de petits êtres sans défense. Le film a été tourné en noir et blanc, un choix très judicieux. La couleur aurait dénaturé l'ambiance particulière qui émane du milieu carcéral.