Film de salubrité publique ?

A l'origine, l'idée de Boisset était de faire un film de science fiction ; très rapidement après sa sortie, les télévisions et les présentateurs vedettes se sont sentis visés par le film. C'est ainsi que "le prix du danger" a été d'emblée considéré comme une critique assez violente de la télévision dite commerciale dont les objectifs et les résultats financiers ne reposeraient en grande partie que sur les parts d'audience.
Bien entendu, pour revenir au film , on n'en est pas encore là. Mais, après tout, les jeux de l'antiquité reposaient sur le même schéma "en direct" et rien ne permet de penser qu'en poussant un peu les limites de la morale, avec des règles bien encadrées, on ne puisse finir par arriver à des jeux de chasse à l'homme.
Certains jeux télévisés actuels d'endurance en milieu plus ou moins hostile peuvent y faire penser. Heureusement, lorsqu'il y a mort accidentelle au cours d'un tel jeu comme c'est arrivé récemment, la morale citoyenne est encore là pour réprouver le jeu.
Au-delà de des considérations, le film vaut pour la galerie de portraits, nettement manichéens, très cyniques, dès qu'on gratte le vernis apporté par la civilisation et l'éducation. Comme dit le proverbe, dans tout homme sommeille un cochon (ou un sauvage).
D'un côté, le management de la chaîne de télévision (Cremer et MF Pisier excellents) se cache derrière une "utilité sociale" du jeu pour engranger de substantiels bénéfices en se protégeant derrière les lois. Du cynisme à l'état pur.
De l'autre, le présentateur vedette Michel Piccoli, délicieusement pervers dans sa candeur, vend la peau d'un homme comme il le ferait de n'importe quelle marchandise et avec le même aplomb.
Les candidats "fugitifs" dont la seule claire motivation est la galette que fait miroiter la chaîne de télé si le candidat réussit à tenir quelques heures, sont choisis avec des arguments frisant les critères utilisés dans les marchés aux bestiaux. Il faut qu'il soit beau, télégénique mais aussi suffisamment costaud pour faire durer la chasse et donc le profit... Quant au casting du fugitif, Gérard Lanvin, avec son caractère volontaire, un peu teigneux, a eu la préférence sur Patrick Dewaere, qu'avait imaginé initialement Boisset.
Les candidats "chasseurs" sont une belle brochette (attendue) par le spectateur de refoulés, de gens qui veulent en découdre sans risque et pour de l'argent. Une innovation de Boisset : parmi les chasseurs une femme dont la motivation pur "chasser" Lanvin est : "c'est un homme qui doit faire souffrir les femmes". Aujourd'hui, en 2020, cela résonne sinistrement lorsqu'on entend les mises au pilori justifiées ou pas…
Heureusement, pour sauver l'honneur de l'humanité, une voix (Andréa Ferreol) tente de s'opposer mais sans succès. Bien au contraire, puisque les prochains jeux sont promis encore plus sanglants … (les jeux du cirque...)
Il parait que le film a été un grand succès malgré la quasi absence de publicité du film par les chaines de télévision, on se demande bien pourquoi.
Au final, c'est un film qui reste toujours d'actualité : les émissions de télé réalité actuelle où les candidats déballent au grand jour leurs vies intimes et plus, si affinités, peuvent être aussi d'une rare violence dans l'humiliation qui peut être ressentie : je pense à l'émission abjecte (dont j'ai volontairement oublié le nom) qui faisaient s'affronter des équipes dans lesquelles la solidité d'un couple était mise à l'épreuve et se traduisaient par des infidélités. Et des drames potentiels.
Oui, ce film reste vraiment d'actualité et devrait être classé dans les œuvres de salubrité publique.