Le Procès n'est pas un film comme les autres. Comme chacun des films réalisés par Orson Welles qu'il m'ait été permis de voir, on s'aperçoit qu'une fois encore, le réalisateur apporte quelque chose au cinéma et surtout, qu'il change de registre. Sans aucun rapport avec un film comme la Soif du Mal, Le Procès rentre dans un domaine que j'affectionne tout particulièrement, à savoir l'absurde. Sauf que voilà, on rentre dans un univers tout à fait malsain, sans aucune logique, un rouleau compresseur qui nous écrase et qui laisse une sensation de malaise profond même après la fin de la projection.

Alors pourquoi 8/10 ? Pourquoi donner tant de mérite à un film qui assassine le spectateur, l'empêche de trouver une solution ? Tout simplement parce que c'est diablement bien foutu. On trouve énormément de qualités dans le film et la patte d'Orson Welles se fait ressentir tant par la réalisation que par la maîtrise d'une histoire qu'on n'aurait pas cru voir un jour au cinéma. Car sans connaître l'œuvre de Kafka, il n'est pas bien difficile de reconnaître les traits de l'écrivain dépressif de nature et pourtant si talentueux.

Et si l'alchimie fonctionne, c'est aussi parce qu'on peut retrouver des caractéristiques entre ces deux monstres : Orson Welles est un surdoué rejeté par Hollywood, contraint à l'exil et trop en avance pour qu'on le comprenne tandis que Kafka est également en marge de la société, écrasé par celle-ci. La différence apparait là où Kafka va jusqu'à se comparer à un insecte dégoutant tant il se déteste.

Cependant les qualités du film vont bien au delà. Critique ouverte d'un système judiciaire, trop lourd, trop long, trop complexe, le Procès nous montre l'histoire d'un jeune homme qu'on accuse d'il ne sait trop quoi et happé par le système judiciaire, sans pouvoir se défendre et devant se résigner à se laisser piétiner, écraser sous le poids d'un rouleau compresseur aussi puissant. Et finalement, on peut même voir là une sorte de critique d'un régime totalitaire, pouvant arrêter qui bon lui semble pour n'importe quelle raison, agir sans autre motivation que le contrôle, le pouvoir. Par tous les moyens le héros va tenter de se sortir de cette situation qu'il ne comprend pas, absurde pour le spectateur lui même entré dans l'histoire, cassant la barrière tant la réalisation aspire qui voit le film à vivre l'histoire de l'intérieur.

Des plans oppressants, des intérieurs inquiétants et surtout des protagonistes réduits au statut de robot ou bien ne voulant que du mal à Anthony Perkins. Rien n'est laissé au hasard et Orson Welles signe ici l'un de ses meilleurs films notamment grâce à des acteurs impeccables. Anthony Perkins déjà superbe dans Psychose, nous offre ici une prestation dont on se souviendra dans le rôle du jeune homme qui va tout perdre, qui va se démener pour gagner. Comme une jeunesse à qui on voudrait tout prendre finalement. Ainsi, Orson Welles en avocat véreux, sans scrupule fait face à Anthony Perkins sans jamais vraiment l'initier à son cas, sans jamais réellement le défendre et ainsi prouve de par le fait que les avocats font partie intégrante d'un système déjà corrompu et impénétrable.

Et le dernier personnage important reste le décor dans lequel le protagoniste évolue, le labyrinthe du tribunal, les formulaires, les procédures, tout est représenté ici de manière à empêcher le spectateur de s'y retrouver. On perd tout repère, on ne comprend plus rien et on finit par se résigner à accepter l'absurde de la situation qui dérange tant dans le film, on n'a pas d'autre choix. Chercher une explication rationnelle devient irrationnel tant les éléments mis à notre disposition finissent de nous convaincre que tout est réel et qu'on ne peut rien y faire.

Il y aurait beaucoup d'autres choses à dire mais un seul visionnage ne suffit pas, tant il s'avère que le film recèle de sens cachés, de situations réelles/absurdes. Orson Welles, une fois encore, en changeant complètement de technique sur le tournage, apporte au cinéma et même le fait grandement progresser. Manier le film noir c'est bien mais prouver par l'absurde qu'on est bon partout, c'est autre chose.
Carlit0
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le 25 janv. 2012

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