Âpre et radical
Je n'ai vu aucun film de Cédric Kahn avant celui-ci et je dois dire que j'ai été surpris par la radicalité du film. On a un film en huis clos (enfin à part la scène d'ouverture qui sert vraiment à...
Par
le 3 oct. 2023
65 j'aime
7
Voir le film
Ces dernières semaines sont sorties deux des films français marquant de l’année 2023. Tout d’abord, ‘Le règne animal’ de Thomas Cailley chroniqué précédemment et ‘Le Procès Goldman’ de Cédric Kahn. Si le premier brille par sa grande ambition, celui-ci brille par son austérité et sa mise en scène à l’os parfaitement maîtrisée.
En avril 1976, débute le deuxième procès de Pierre Goldman, militant d’extrême gauche, condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité pour quatre braquages à main armée, dont un ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes. Il clame son innocence dans cette dernière affaire et devient en quelques semaines l’icône de la gauche intellectuelle.
Il me semble que ‘Le procès Goldman’ est meilleur que ‘Saint Omer’ et ‘Anatomie d’une chute’, deux films de procès français récents qui ont marqué à leur sortie. Le procès de ‘Saint Omer’ était le prétexte de la cinéaste pour évoquer la maternité, celui d’Anatomie d’une chute’ était l’occasion de disséquer les relations de couple. Mais dans ‘Le procès Goldman’, Cédric Kahn n’a d’ambition que de rendre le procès, sa force, ses ambiguïtés. A l’exception d’un prologue hors tribunal mais essentiel, le cinéaste ne se disperse pas.
Avant d’évoquer les spécificités du procès Goldman, il convient de louer la qualité du film de procès. Le film rend admirablement la procédure judiciaire, avec les déclarations des témoins, les plaidoiries des avocats, la rectitude du président de la cour, l’aspect parfaitement théâtrale. Surtout, Cédric Kahn rend parfaitement l’ambiance de la salle grâce à un astucieux dispositif qu’il explique dans la revue Positif. Il a demandé à tous les figurants de rester sur le plateau, à leur place pendant toute la durée du tournage filmant chronologiquement les scènes avec trois caméras. Cela permet à Kahn de pouvoir restituer chaque réaction avec une précision remarquable, essentielle pour un procès qui a marqué les esprits de l’époque.
Le cinéaste français brosse un portrait assez fascinant de Pierre Goldman, en mettant en lumière tous ces paradoxes. Il semble être un voyou comme la justice en a beaucoup vu passer et pourtant il semble avoir quelque chose en plus, une aura peut-être. Il est à la fois très antipathique et pourtant, on cherche à mieux cerner cette personnalité. Avec ces coups de gueule, il ne plaide pas en sa faveur mais il est indéniablement brillant dans ses diatribes.
Cédric Kahn se garde bien de se prononcer quant à la culpabilité de Goldman. Est-ce d’ailleurs le sujet ? Est-ce que c’est ce qui nous intéresse ? Le fait divers est assez banal. Ce qui est intéressant, c’est la personnalité de Goldman et le déroulement du procès lui-même. Le sujet sur lequel se prononce le réalisateur c’est sur les témoignages (tous accablants pour Goldman), et plus précisément sur comment les préjugés (le racisme, l’antisémitisme, la haine de l’extrême-gauche) influent ou rendent partial un témoin oculaire.
Ce que rend également très bien Cédric Kahn, c’est la relation très complexe entre Goldman et son avocat Georges Kiejman. Il semble évident que l’accusé méprise son avocat. Il le traite même de « juif de salon ». Pourtant Goldman a besoin d’un avocat aussi pugnace que Kiejman et ce dernier se sait attendu et a tout à prouver. Cette relation tendue est étonnante car les deux ont beaucoup en commun. Ils sont tous les deux juifs, d’ascendance polonaise et fils de déportés.
Les performances des acteurs, essentielles dans un film de procès, sont époustouflantes. Arieh Worthalter restitue parfaitement les ambigüités de son personnage. Quant à Arthur Harari, il est un Kiejman remarquable surtout quand il ne parle pas. Il faut voir ses réactions tendues et intérieures face aux diatribes parfois embarrassantes de son client. Harari n'étant pas comédien mais à l'origine scénariste et mettreur en scène, il convient donc de louer la direction d'acteur de Cédric Kahn. N’oublions pas l’avocat de la défense interprété par Nicolas Briançon qui apporte avec lui tout son bagage de comédien de théâtre.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2023
Créée
le 14 oct. 2023
Critique lue 26 fois
1 j'aime
D'autres avis sur Le Procès Goldman
Je n'ai vu aucun film de Cédric Kahn avant celui-ci et je dois dire que j'ai été surpris par la radicalité du film. On a un film en huis clos (enfin à part la scène d'ouverture qui sert vraiment à...
Par
le 3 oct. 2023
65 j'aime
7
Si on excepte la séquence d'introduction (dans le bureau de l'avocat de la défense, Georges Kiejman, faisant tout de suite comprendre que son client est un drôle d'animal qui ne va pas du tout lui...
Par
le 27 sept. 2023
29 j'aime
24
En 1976 a lieu le second procès de Pierre Goldman , militant d'extrême gauche soupçonné d'avoir tué deux pharmaciennes lors d'un braquage qui aurait mal tourné. L'affaire fait grand bruit et mobilise...
Par
le 27 sept. 2023
29 j'aime
14
Du même critique
‘Spencer’ était un biopic qui promettait beaucoup car Pablo Larrain en a réalisé deux, l’un sur l’écrivain Pablo Neruda et l’autre sur la première dame Jackie Kennedy, et Kristen Stewart avait déjà...
Par
le 2 janv. 2022
20 j'aime
2
Sortie en catimini sur Amazon Prime et quasi-unanimement décrié par la critique, la série de Nicolas Bedos vaut pourtant le détour, si l’on se base sur les trois premiers épisodes disponibles. Drôle,...
Par
le 14 oct. 2023
16 j'aime
‘Les volets verts’ promettait beaucoup par ses atouts : Simenon, Depardieu, Ardant. En résulte un film dont on pourrait dire qu’il est de « qualité française ». Il est surtout ennuyeux, sans rythme...
Par
le 28 août 2022
15 j'aime
1