Âpre et radical
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Certains films vous prennent à la gorge et ne vous lâchent plus même si vous en connaissez l’issue. Pierre Goldman restait pour moi un fantôme, le frère d’un chanteur connu, un activiste mort tragiquement dans des circonstances mystérieuses. La performance de Arieh Worthalter nous le restitue dans toute sa superbe, un être de chair et de sang, pétri de contradictions, symbole d’une époque, d’une mouvance.
Après la scène d'introduction, nous sommes plongés dans un huis clos qui respecte les trois principes de la tragédie classique : unité de lieu, de temps et d’action. Bien sûr, il y a dans cette œuvre un aspect théâtral, une mise en valeur du verbe, mais n’est-ce pas là un parti pris intelligent du réalisateur ? Car, après tout, ce que dénonce Goldman, c’est bien le côté artificiel, apprêté de la justice. Son empressement à convoquer des témoins de moralité plutôt que de chercher à exposer des faits. Son passé, ses croyances ne constituent pas en soi une preuve de culpabilité, explique l’accusé au début du procès.
Le réalisateur, Cédric Kahn, nous invite également à oublier tout ce que nous croyons savoir de la force des témoignages. Tout le monde ment, dirait le Docteur House, inconsciemment ou consciemment. Disons plutôt que tout le monde reconstruit ses souvenirs dans un processus dynamique, comme l’ont montré de nombreuses études en psychologie (en particulier Elizabeth Loftus). Parfois de bonne foi, parfois pour servir une cause, des préjugés ou, comme le gardien de la paix, sa corporation. La mémoire n'est jamais inerte. Elle reste influencée par des suggestions réalisées pendant ou après l’ancrage du souvenir.
Enfin et bien qu’enfermés en tant que spectateurs dans une salle d’audience, le film nous permet de jeter un regard panoramique et distancé sur la société française de cette période. Goldman évoquera sans fard le racisme policier et l’antisémitisme ambiant, deux maux qui le transforment en coupable idéal. En toile de fond, les joutes oratoires, les gros plans sur les visages du public ou de l’accusé, les réactions des jurés, les mimiques des avocats, les clameurs des derniers bancs, sont autant d’indices visuels et sonores des tensions et des enjeux qui traversent la société dans les années 70. En particulier l’affrontement entre le pouvoir politique en place et les gauchistes de l’époque.
Bons acteurs, réalisateur maîtrisant son sujet, trame prenante, Le procès Goldman est pour moi un très bon film qui, en outre, tente de déconstruire un certain nombre de préjugés (y compris sur la façon dont se déroule un procès en France - voir aussi "Anatomie d'une chute" - alors que ma mémoire puise spontanément ses références sur ce sujet dans les productions anglo-saxonnes)
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Créée
le 2 sept. 2024
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