Joss Beaumont,agent secret français du service Action,débarque au Malagawi,pays d'Afrique imaginaire mais dont le nom ressemble quand même beaucoup à Malawi,avec pour mission d'assassiner le tyran local,le président N'Jala.Mais le temps que Beaumont arrive à destination,le climat politique a évolué et le gouvernement,ayant changé d'avis,dénonce son agent à N'Jala avant qu'il n'agisse.Arrêté,jugé et envoyé au bagne,Joss s'évade deux ans plus tard et revient à Paris,bien décidé à régler ses comptes.Putain,on n'en fait plus,du cinoche comme ça!Avec le recul,on s'aperçoit que certains de ces films,vilipendés en leur temps par la critique,qui les qualifiait de "commerciaux",mais plébiscités par le public,"Le professionnel" fut un triomphe en salles,tiennent admirablement le coup lorsqu'on les revoit maintenant,et nettement mieux que pas mal de films d'auteurs.C'est le cas ici,car 37 ans après ça n'a pas pris une ride.1981,Mitterrand est élu,la gauche accède au pouvoir,mais le vieux cinéma "qualité française" est encore là et bien là.Jean-Paul Belmondo est alors au sommet de sa forme et au faîte de sa gloire.Au fil des années,il s'est constitué une solide équipe de fidèles,qui sont nombreux à l'entourer sur ce film,et il y a du beau monde,ou du "bel mondo", au générique.L'histoire est tirée d'un roman de Patrick Alexander,adapté par Georges Lautner,qui réalise,et Jacques Audiard.Eh oui,le petit Jacquot était déjà présent en ces temps reculés,au côté de son père Michel,qui signe les dialogues.Ennio Morricone a composé une extraordinaire musique,d'ailleurs devenue mythique.Les joyeux duettistes Alexandre Mnouchkine et Georges Dancigers produisent et Alain Belmondo,le frère de Jean-Paul,est directeur de production.Les cascades,excellentes et effectuées par Belmondo lui-même,sont l'oeuvre du célèbre Rémy Julienne,alors que les combats,assez médiocres par contre,sont réglés par Claude Carliez,le spécialiste du genre.La star a même fait venir son maquilleur habituel,Charly Koubesserian,et une troupe d'acteurs dont beaucoup ont souvent tourné avec lui,certains faisant partie de sa bande au Conservatoire.Le film,évidemment,n'est pas exempt de défauts.Les incohérences abondent dans le scénario et la façon dont Beaumont,recherché par tous les flics de France,s'expose,a de quoi interloquer,ainsi que la manière dont il s'en sort à chaque fois.Il semblerait que le problème réside dans la collision entre un script sérieux,et même tragique,sur le fond,et un traitement parfois comique,typique des "Bébel movies",les deux approches ne faisant pas toujours bon ménage.Belmondo et ses producteurs ont apparemment pensé que le public attendrait le numéro coutumier,gouailleur et décontracté,de la part du comédien,et qu'il fallait donc le lui donner,en dépit d'une certaine inadéquation avec le scénario.D'autant plus que JPB le souhaitait sans doute car c'est ce qu'il aimait faire,le genre toc-toc-badaboum,et qu'il ne savait pas forcément faire autre chose,bien qu'il ait parfois exprimé un certain talent dramatique.A noter un faux-raccord d'anthologie dans la scène où Beaumont rend visite à son ex-ami Valera.Il sort de l'immeuble en pleine nuit et,dans le plan suivant,il se retrouve à l'extérieur en plein jour!Mais bizarrement,toutes ces faiblesses ne nuisent pas au plaisir éprouvé à la vision du film.L'histoire est solide et très intéressante,explorant les arcanes pas très propres de la politique et des services secrets,notamment de ce qu'on appelait autrefois la Françafrique,ces magouilles entre l'ancienne puissance coloniale et les tyranneaux africains,sur fond de corruption,de prévarication et de matières premières.Une des grandes qualités du film est son absence de manichéisme.Personne n'est innocent dans cette affaire,mais tout le monde a ses raisons,plus ou moins valables.Le ministre de l'Intérieur,qui n'était pas en poste lorsque Beaumont a été balancé,est bien obligé de pourchasser l'ancien agent.Les ex collègues de Joss,dont plusieurs étaient des amis,ont désapprouvé et déploré ce qui lui est arrivé mais ne pouvaient se soustraire aux ordres,et ne le peuvent toujours pas,contraints qu'ils sont de le traquer.Quant aux policiers,ils ne font que leur boulot,même si c'est un sale boulot et qu'ils le font salement,pour reprendre la fameuse réplique prononcée par....Belmondo,dans "Le voleur".Et Beaumont lui-même n'a rien d'un ange.C'est un tueur,un professionnel comme l'indique le titre,et il poursuit sa vengeance en faisant ce qu'il sait faire de mieux,tuer donc.Il est d'ailleurs conscient de la folie homicide de sa quête,au point d'annoncer ses intentions dès le départ à ses ennemis,afin d'enclencher un engrenage qui l'empêchera de pouvoir revenir en arrière.Il est aussi à noter que,contrairement aux "Bébel" de l'époque,l'acteur n'est pas omniprésent à l'écran.Certes,il est le héros,la vedette,mais il y a des scènes où il n'apparait pas,et d'autres où il n'est pas présent sur toute la séquence,ce qui permet à d'autres personnages d'exister et d'être développés.Quel plaisir aussi de retrouver le machisme tranquille de l'époque,avec un personnage masculin qui séduit instantanément toutes les filles,qui trompe son épouse,qui est au courant mais reste fidèle et soumise,avec une collègue de travail,et flirte à l'occasion avec une call-girl.Lautner livre une réalisation impeccable.Le rythme ne faiblit pas,les scènes sont idéalement calibrées,les angles de prises de vues variés,et il n'y a aucun déchet,chaque séquence ayant son utilité et servant la narration.Le film est très spectaculaire et cultive une violence sans concession,aboutissant à un final totalement inattendu,tandis que les dialogues cyniques et cinglants d'Audiard et les notes de "Chi mai" réjouissent l'oreille.Des magouilles politiques,des barbouzes en perdition,des bastons sauvages,des cascades automobiles,des gunfights,des explosions,de la torture,du sadisme,des jolies filles,tout ceci autour d'un héros malin et manipulateur,que demande le peuple?La distribution aligne une tapée d'acteurs figurant parmi les plus fabuleux de l'époque.Le distingué Jean Desailly en ministre dépassé par les évènements,un Robert Hossein impérial en policier retors et sadique,l'enrobé Jean-Louis Richard en colonel matois,un Michel Beaune juste et émouvant en ami écartelé entre son devoir et son affection pour Beaumont,un Gérard Darrieu tonitruant en vieux galonné gueulard et handicapé,un Bernard-Pierre Donnadieu alors tout jeune et peu connu,qui crève l'écran en flic hargneux,un Pierre Vernier amusant en industriel queutard et un Pierre Saintons suave en président pourri,car oui il y avait déjà de grands acteurs noirs dans ces années-là.Et puis il y a un trio de magnifiques comédiennes,dont aucune n'a eu la carrière cinématographique qu'elle méritait.Une Cyrielle Clair toute jeunette joue la maîtresse de Beaumont,et Marie-Christine Descouard,une vraie bombe qui est ici une pute de luxe,aura en cette même année 81 son seul grand rôle au ciné dans "Le roi des cons",au côté de Francis Perrin.Quant à Elisabeth Margoni,la délicieuse épouse de Joss,elle n'avait pas encore pris 250 kilos et pouvait s'afficher dans sa splendide nudité.A noter les petites apparitions de Serge Nubret,le plus grand champion français de culturisme,qui rivalisait alors dans les compétitions avec Arnold Schwarzenneger et Lou Ferrigno,et d'Yves Belluardo,acteur inconnu qui a fait des silhouettes durant toute sa carrière et a connu une étrange gloire posthume en devenant la victime d'un célèbre fait-divers criminel non-élucidé,lui et sa femme ayant été assassinés à leur domicile du Mans en 2004.