L'art: transcendental, transversal ou utopique ?

1982. Ils sont Chrétiens, Juifs, Druzes, Chiites, Musulmans, Palestiniens, Libanais, Arméniens et Français. Ils répètent Antigone dans les ruines. Ils joueront la pièce d’Anouilh dans un théâtre bombardé, sur la ligne de démarcation à Beyrouth. En pleine guerre civile libanaise, à quelques jours du massacre de Sabra et Chatila. Le théâtre de guerre n’est qu’un contexte : le propos pourrait être identique sur une autre scène de guerre, à une autre époque.


Le sujet est autre: l'art saurait-il être transcendental et transversal, ou ne serait-il qu’utopie ?


C’est Laurent Lafitte qui s’y colle, pour répondre à cette question. On ne pouvait imaginer meilleur acteur pour ce rôle si particulier. Laurent Lafitte, pensionnaire de la Comédie française pendant 12 ans, accepte là, me semble-t-il son meilleur rôle. D’une puissance magistrale, tout en retenue. Il joue comme il guide sa troupe : ne pas hausser la voix, nulle emphase, en nuances. C’est lui, l’homme du quatrième mur, il est le Chœur.


La mise en scène entre ces acteurs de confessions différentes nécessite quelques compromis que la pièce autorise. Parce que l’intention consiste à prouver que les religions ne sauraient être un frein à la tragédie grecque qui s’appuie précisément sur la foi religieuse, le sentiment moral et le culte de personnages mythologiques. Il s’agit de mettre en scène une légende populaire avec un enthousiasme mystique et intérieur. Sur scène, les unes et les autres n'ont d'autre identité qu'actrice, acteur.


Lui-même, Georges, acteur et metteur en scène au débotté : il remplace pour ce projet singulier son mentor et ami juif, trop affaibli. La guerre ne le concerne pas, ce qui lui permet de louvoyer au début. Puis conseillé par son « fixeur » sur place, le puissant Simon Abkarian, il apprend à se positionner. Enfin, épris de l'interprète d'Antigone, il prend parti et s’engage, au-delà de l’entendement.


Un film, un propos, qui hélas, ne font pas contre-poids. Il suffit de transposer cette histoire, imaginée il y a quarante ans mais intemporelle, aujourd’hui, dans la même région...

Isabelle-K
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le 19 janv. 2025

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